DE LA MACONNERIE OPERATIVE A LA MACONNERIE SPECULATIVE : ORIGINE DE LA FRANC MACONNERIE.
C’est une approche du passage de la Franc-Maçonnerie opérative à la Franc-Maçonnerie spéculative au Royaume-Uni que je vais tenter de vous présenter.
La première partie de la planche exposera la Maçonnerie opérative du XIVe siècle au XVIesiècle.
La deuxième partie traitera de la Maçonnerie spéculative au XVIIIe siècle
Une courte troisième partie conclura par la réunion des premières grandes Loges dites « Ancients » and « Moderns » au XIXème siècle
Depuis que les Hommes pratiquent l’Architecture, on suppose que les métiers qui s’y rattachent doivent être nécessairement organisés pour répondre à deux problématiques : gérer le chantier et les ouvriers ainsi qu’assurer la transmission des techniques de construction.
Les bâtisseurs des cathédrales médiévales se considéraient comme les descendants des constructeurs des temples égyptiens, grecs et romains et du temple de Salomon. A ce titre, ils étaient détenteurs de connaissances dont le secret était soigneusement préservé. Ces connaissances visaient à concevoir et à ériger des édifices agréables aux divinités, par leurs formes, leurs proportions et leur orientation. Considérant, selon l'antique tradition, le créateur de l'Univers comme le roi du monde, ils nommèrent leur art sacré " l'Art Royal ".
Ces Maçons opératifs se déplaçaient de ville en ville au gré des chantiers en cours et n'avaient pas de lieu de réunion permanent. Alors, ils utilisaient pour se réunir, s'instruire, préparer leur travail, des locaux appelés Loges. Ils observaient un certain nombre de règles aussi bien pour respecter les normes de qualité et de moralité, que pour préserver les secrets du métier. Leurs obligations comportaient aussi des devoirs de solidarité et de fraternité. Les loges avaient pour durée de vie celle du chantier.
1ère partie - La Maçonnerie opérative depuis le Haut Moyen- Age jusqu’en 1707
Les manuscrits Regius (1390) et Cooke (1410), l’un écrit en vers et l’autre en prose, sont les plus anciens documents maçonniques connus. Ils proviennent certainement de la transmission orale d’une réglementation traditionnelle du métier. Ils sont certainement retranscrits par les clercs avec le concours, plus que probable, des maîtres maçons. Les clercs du Moyen-Age avaient la connaissance des langues universelles, latin, grec et vraisemblablement, l’hébreu, ainsi que la connaissance des philosophies développées comme le platonisme ou l’hermétisme par exemple. Il serait inexact d’imaginer qu’ils aient attendu la Renaissance pour traduire ces richesses spirituelles dont l’ésotérisme chrétien s’est toujours inspiré.
Comme dans la majeure partie des Old Charges, anciens devoirs, nous retrouvons trois parties dans les textes Regius et Cooke :
- l’origine légendaire du « Métier ».
- le Serment et les Obligations.
- l’organisation du « Métier » et les règles morales.
Anderson conservera plus tard ce même plan dans ses constitutions.
C’est également sur ce modèle que les corporations des maçons en Angleterre et en Écosse, composées uniquement de personnes du métier, reçoivent les nouveaux apprentis.
Cette cérémonie de réception comprend trois moments successifs :
- la lecture des préceptes pendant que le nouveau membre pose la main sur le livre des Devoirs.
- un conseil solennel, exigeant du postulant le respect de ces règles.
- et enfin, un avertissement, exposant au postulant qu’il ne doit pas commettre une grave faute, en manquant à sa parole ou ne pas respecter ses devoirs.
Ils témoignent aussi de l'attachement des ouvriers maçons à la religion. On y expose les diverses règles morales à respecter dans sa vie de citoyen et de maçon. Il y est fait également un éloge particulier des sept arts libéraux, qui constituent à l’époque les bases de la connaissance et notamment de la géométrie.
Les premières notions connues de géométrie remontent à plus de 2000 ans avant notre ère avec les peuples d'Egypte et de Babylone. La continuité fut assurée par Euclide, le chef de file des mathématiciens dont les travaux devaient servir de base pendant des siècles à toute étude géométrique mais aussi à la philosophie que l’on peut y attacher.
Pour cela, le « Manuscrit Régius » décrit les usages des maçons anglais et place emblématiquement leur corporation sous la protection du roi Athelstan, 1er roi d’Angleterre et sous l'égide d'Euclide et de Pythagore, pères de la géométrie.
En ce sens, l’opératif inclut déjà une dimension symbolique et on peut supposer sérieusement que la maçonnerie opérative est déjà une confrérie initiatique travaillant sur le symbolisme de cette science universelle. Le plan même des cathédrales, de la forme aux détails, en est le meilleur exemple en référence au Temple de Salomon. Cette pratique professionnelle s’exerce à l’intérieur d’un idéal de fraternité et de concorde. Le métier fournit donc un socle, permettant la réalisation professionnelle et spirituelle à la fois. Il prend la valeur d’une discipline véritable.
L’âge d’or de la maçonnerie opérative se situe entre le XIIe et le XVIe siècle. À cette époque les chantiers sont florissants, et de plus, l’usage de la pierre se généralise pour des travaux moins prestigieux que la construction des cathédrales et des châteaux. Le nombre d’employeurs augmente considérablement. Le besoin de rédiger les anciens devoirs devient probablement nécessaire. Ils traitent de la vie de la loge et créent des obligations morales envers un corps et non plus une autorité unique, le roi et son représentant.
L’origine du mot Franc Maçon est multiple. On en trouve trace en Angleterre où on parlait, au 13e siècle, des « free stone masons » pour désigner les maçons initiés qui savaient tailler et travailler la pierre.
Les anciennes confréries de bâtisseurs du Moyen Age, qui réunissent les « francs-mestiers » du bâtiment, sont constituées d’hommes libres, c’est-à-dire bénéficiant de franchises fiscales et d’exemptions de corvées accordées par le pouvoir royal.
D’où le terme de Francs-maçons qui signifie en réalité « maçons libres ».
On en trouve également la trace à partir de la fin du XVe siècle, dans le Saint-Empire Romain Germanique. L'empereur accorde alors des privilèges spéciaux au métier, des « franchises ». Les membres prennent le nom de Frei-Maurer, c'est-à-dire Francs-maçons.
Pour quelques historiens le mot désignerait aussi un maçon qui travaille une pierre de qualité supérieure (freestone) Le terme free porterait sur le matériau et non sur l’homme et signifierait «de qualité supérieure, noble » et non « libre ».
C'est cette Franc-Maçonnerie opérative qui petit à petit va se transposer en Franc-Maçonnerie spéculative à partir du XVIIe siècle. Cette période sera appelée la maçonnerie de transition.
La Grande-Bretagne a été profondément marquée par le courant de la Réforme religieuse venue des thèses de Martin LUTHER, instigateur du protestantisme avec d’autres personnages comme Jean CALVIN.
Alors que l’aspect négatif des guerres religieuses et civiles signifie le repli dans l'intégrisme et le fanatisme, le pendant positif est la relative liberté intellectuelle et le renouveau des études hermétiques à partir du XVIe siècle. Certains se plaisent alors à rêver à une grande Réforme alliant philosophie, ésotérisme, religion et science, pour amener l'humanité vers une ère de bonheur, de fraternité et de paix, avant même la publication des premiers manifestes Rose-Croix qui en reprennent les concepts.
Cette période est aussi en proie à une véritable crise morale. En effet, les progrès de la science ébranlent les fondements de l'Occident et la religion perd une partie de son autorité. Les nouvelles conditions sociologiques ont entraîné la décadence de l’ancien système opératif. Les Loges ont depuis quelques temps déjà accepté des non-opératifs, certains peut-être comme patrons, protecteurs et soutiens financiers, d’autres parce qu’intéressés aux questions d’architecture, de symbolisme, de philosophie, que soulève ce métier.
Les différentes guerres et tensions religieuses vont marquer le déclin de la maçonnerie opérative au XVIe siècle. Le nombre de mises en chantier diminue. Les loges de bâtisseurs vont ainsi commencer à décliner.
Depuis de nombreux siècles l’Ecosse et l’Angleterre entretiennent une relation conflictuelle.
Commençons par l’Ecosse.
Le roi Jacques VI Stuart, futur Jacques Ier d’Angleterre décide d’organiser la corporation des bâtisseurs, en Ecosse, afin de la faire perdurer. Cette organisation est régie par les statuts Shaw en 1599 du nom de son auteur, William SCHAW, responsable de la construction et de l’entretien des châteaux et palais royaux d’Ecosse. Il élabore un système nouveau de loges. Une organisation du métier qui se veut globale et qui permet de sauvegarder la tradition maçonnique.
Pour la première fois les textes organisent les maçons d’Ecosse en entités appelées loges et les soumettent à des obligations administratives. Parmi ces obligations, le changement majeur est l’obligation de garder des registres écrits. Désormais les loges écossaises vont se fixer en entités géographiques, vont garder des traces de leurs travaux, de ce qu’elles font et vont donc se constituer tout à la fois une identité, une histoire et une mémoire. Elles vont codifier leurs rites, leurs usages et les rendre pérennes. La loge devient permanente et fixe. C’est une rupture décisive avec les loges du Moyen Age. William SCHAW est mort en 1602 mais le mouvement va perdurer après lui. Les statuts SCHAW dessinent un réseau territorial de loges et en fixent le fonctionnement, en particulier l’ascension par degré.
A partir de 1630 chaque loge évolue de manière autonome, se réunit en moyenne trois fois par an et renouvelle leur engagement tous les ans. La loge est désormais dotée d’un statut juridique et moral, et confortée par une hiérarchie interne.
Ceci marque l’institutionnalisation de ce qui allait plus tard former l’ossature de la maçonnerie spéculative.
Des membres non-opératifs figurent dans des loges depuis, au moins, le début du XVIIe siècle et ils y deviennent progressivement plus nombreux. Les statuts SCHAW permettent le passage d’une maçonnerie de pur métier à une maçonnerie d’acceptation, de souche professionnelle, acceptant en leur sein, des membres n’étant pas du métier : Les maçons acceptés.
Le « Mason Word » est le Rite du Mot de Maçon, daté de 1637, mot communiqué lors des cérémonies de réception aux deux degrés d’Apprenti et de Compagnon – Maître alors pratiqués. Ce rituel comporte la transmission d'un « secret », à l'origine composé uniquement d'une poignée de main et de deux mots de passe. L'expression Mason's Word est à l'origine du « Mot de Maçon » sans doute calquée sur l'expression God's word, soit « Mot de Dieu ».
D’influence calviniste, ce rite est imprégné des idées d’un retour à un christianisme originel, antérieur aux pratiques de l'Église catholique romaine. Par cette expression « Mot de Dieu », les calvinistes désignent la Bible. Il marquait aussi une différence avec le rite anglais et anglican des Anciens devoirs qui eux prêtaient le serment sur le livre des devoirs. Ce rite communiquait les mots de Maçon Jakin et Boaz.
Vers 1710, l’Ecosse compte plus de 50 loges. Il n’existe pas encore de Grande Loge et la grande majorité des maçons sont encore des tailleurs de pierre. La branche de la maçonnerie écossaise ne connaît donc pas d’interruption. Ces loges demeurent majoritairement opératives jusqu’à la création de la Grande Loge d’Ecosse en 1736.
Continuons par l’Angleterre et revenons 4 siècles en arrière, dans les années 1300, Lorsque la Guerre de Cent Ans débute, le besoin de soldats et d’argent entraîne la fermeture d’un grand nombre de chantiers, devenu trop couteux. La création de La Compagnie des Maçons de Londres, regroupant d’autres corps de métiers pour agir comme un syndicat, permet de réguler le travail des maçons qui se retrouvaient au chômage.
Beaucoup plus tard, dans les années 1650, la Franc-Maçonnerie opérative anglaise n’est plus vraiment opérationnelle. C’est-à-dire qu’elle ne joue plus un grand rôle dans l’organisation et le contrôle du métier, même si elle demeure très majoritairement constituée de maçons opératifs. Les Anglais transforment petit à petit cette vieille société de métiers, en une association de rencontre et de réflexion. Ainsi commence à s’affirmer une Maçonnerie purement spéculative, au sein de laquelle survit ce qu’il reste des opératifs.
Des idées commencent à se cristalliser autour du mouvement des Rose-Croix, dont les Manifestes sont lus par un certain nombre de penseurs en Europe. Beaucoup souhaitent s'associer à ce projet.
En 1688 : Le roi, Jacques II STUART d’Angleterre, petit fils de Jacques VI d’Ecosse, est destitué du trône d’Angleterre. Il se réfugie en France, à Saint-Germain-en-Laye. Quelques 500000 stuartistes le suivront ce qui explique en partie l’installation de la Franc-Maçonnerie spéculative en France. J’y reviendrai dans une prochaine planche.
Cette époque est donc marquée par de profonds changements d’ordre « social, économique et spirituels ». Les non-opératifs deviennent petit à petit majoritaires dans les loges anglaises. Dans quelques unes d’entre elles, notamment à Londres, on peut trouver des nobles ou des intellectuels. La diminution des tâches opératives laisse la loge sans raison d’être, elle continue en tant que club social durant une période de déclin jusqu’à ce que la renaissance spéculative lui donne un nouveau sens.
Un désir de nouveauté, un intérêt pour la démarche scientifique naissante chez ces proches de la Royal Society, marquent le début de la mouvance andersonienne.
Bien que la plupart des rituels de l’époque fasse référence à 3 grades et deux degrés, le manuscrit SLOANE, de 1700, semble être le premier rituel anglais écrit.
Il fait référence à trois grades Apprenti, Compagnon et Maître. Il y a trois lumières : le soleil, le maître et l’équerre, aux colonnes J et B et les frères se nomment entre eux « Frère Jean ».
Q : Où le mot a-t-il été donné pour la première fois ? R : A la tour de Babylone.
Q : Où fut convoquée la première loge ? R : Dans la chapelle de Saint Jean.
Les loges prennent un tour amical puisque l’accession s’y fait par parrainage. Ainsi petit à petit la Franc-Maçonnerie devient spéculative.
2ème partie - La Maçonnerie spéculative au XVIIIe
Il est généralement admis que l'acte fondateur de la maçonnerie tel que nous la connaissons est daté du 24 juin 1717, peu de temps après la création du Royaume de Grande-Bretagne (1707) et l'arrivée au pouvoir de la Maison de Hanovre (1714).
4 loges londoniennes se réunissent dans la taverne « Goose and Gridiron » pour former la première grande loge : « La Grande Loge de Londres ». La Fédération de ces 4 ateliers ayant pris le nom de l’endroit où ils se retrouvaient à savoir des arrière-salles de tavernes. Il y a : The Goose (l’Oie), The Gridiron (le Grill), The Crown ( la Couronne), The Grapes ( les raisins).
Le temps des locaux adossés aux chantiers des cathédrales est bien révolu. La maçonnerie opérative est abandonnée pour lui substituer définitivement une maçonnerie spéculative moderne.
Les Constitutions de cette première Grande Loge ont été établies à Londres en 1721. Elles sont appelées les Constitutions d'Anderson du nom de son auteur. Anderson fut aidé dans sa tache par Jean-Théophile Desaguliers, sous la direction du Duc de Montagu, le Grand Maître à l'époque.
Ce groupe sera appelé plus tard les « Moderns ».
James Anderson est pasteur écossais presbytérien et Franc-Maçon. Il est assisté dans sa mission du Huguenot Jean Théophile DESAGULIERS, fils d’un pasteur français réfugié en Angleterre en 1683, peu de temps avant la révocation de l’Edit de Nantes par Louis XIV. Il est reçu Membre de la Royal Society en 1710 sous la présidence d’Isaac NEWTON.
Ces constitutions opèrent une synthèse entre la maçonnerie anglicane du « Rite des Anciens Devoirs » et la maçonnerie d'origine calviniste du « Rite du Mot de maçon ». Elles substituent à ces deux rattachements confessionnels un rattachement plus vaste comme le concept de la «religion naturelle ».
On peut voir dans les Constitutions d’ANDERSON, une proclamation de tolérance :
« Que la Franc-maçonnerie doit être le centre de l'Union d'hommes d'origines, de confessions, de conditions sociales et de cultures différentes qui ne se seraient autrement jamais rencontrés ». Ces constitutions, dans le contexte de l'époque, sont d'une remarquable ouverture, puisqu'elles permettent à des hommes de religions différentes de travailler ensemble dans un véritable esprit de fraternité, à une époque où, à l'extérieur, l'intolérance religieuse est encore très vive.
Mais même circonscrit aux divers cultes chrétiens, et bien qu’étant une innovation majeure, ce concept pour beaucoup est une preuve de renoncement, voire de reniement. De ce fait, pendant longtemps, la Grande Loge de Londres n’a qu’une influence restreinte. Sa juridiction est limitée à seules citées de Londres, Westminster et à leurs banlieues.
Les principaux points de discorde concernent :
- la déchristianisation du rituel.
- l’ignorance de l’installation du Vénérable Maître.
- la négligence des fêtes des deux Saint Jean
- la transposition des modes de reconnaissance du premier et du deuxième grade ainsi que de certains éléments de la loge.
Initialement, il n’y a que deux grades, ceux d'Apprenti-entré et celui de Compagnon du métier. Un troisième, dit de Maître, apparaît vers 1730 et clairement identifié dans « la maçonnerie disséquée de Pritchard ». Il faut attendre la seconde édition de la Constitution d'Anderson, celle de 1738, pour trouver une référence officielle au grade de Maître, la symbolique d’Hiram lui est attachée petit à petit.
Dans la deuxième édition de ses Constitutions (1738), Anderson nous indique qu'un certain nombre de vieilles constitutions "gothiques" furent brûlées en 1720 par certains Frères scrupuleux. Ils craignaient qu'elles ne tombent entre les mains de profanes. S’ils ont existé, ces actes entravent à jamais nos efforts pour bien connaître la Franc-Maçonnerie opérative.
La jeune Grande Loge de Londres grandit assez vite en initiant de nombreux membres de la bourgeoisie et de la noblesse. Elle assure son standing en se donnant rapidement des Grands Maîtres issus de la haute aristocratie.
Les innovations des Constitutions d’Anderson, vont susciter une opposition issue des milieux plus populaires et opératifs de la maçonnerie traditionnelle en Ecosse et en Irlande, selon lesquels Anderson et ses compagnons ont profondément altéré l’ordre maçonnique.
A partir de ce moment, un long échange entre l’Angleterre, l’Ecosse et l’Irlande s’installe pour revendiquer le contrôle de la création de la Franc Maçonnerie telle que nous la connaissons.
3ème partie - La réunion des Premières Grandes Loges dites « Ancients » et « Moderns »
La Grande Loge d'Irlande (Grand Lodge of Freemasons of Ireland), fondée en 1725 à Dublin, est la seconde plus ancienne obédience maçonnique dans le monde, après la Grande Loge de Londres (1717) et avant la Grande Loge d’Écosse (1736). C’est une franc maçonnerie chrétienne d’ascendance celtique, proche de la maçonnerie écossaise.
En Écosse, la première réunion de loges au sein d'une obédience centralisée, la Grande Loge d’Écosse, à la manière de la Grande Loge de Londres, date de 1736. Mais l'innovation qu’est la tolérance y fut moins bien accueillie, entre autres pour des raisons dynastiques : beaucoup de maçons restaient attachés à la cause des Stuart et au seul catholicisme.
Cependant la plupart des loges sont réticentes, surtout en province, à aliéner leur indépendance, elles continuent à respecter les anciennes obligations du métier. Une partie de ces loges, farouchement indépendantes n’ont laissé que peu de traces, à l’image du compagnonnage français qui brûlaient leurs archives. Les ateliers, qualifiés alors « d’Ancients » ne sont pas groupés en formation obédientielle.
Dans le même temps, la Grande Loge d'Angleterre feint d'ignorer la Grande Loge d'Irlande, tarde à reconnaître celle d'Écosse et refuse d'accepter dans ses rangs les immigrés venus de ces pays, ce qui aboutira en 1751 à la fondation de la Grande Loge concurrente, dite « des Ancients ».
« La Grande Loge des Anciens Maçons », qualifiant alors la loge concurrente de Londres de « Moderns », leur reprochant d’avoir dénaturé la vraie Franc Maçonnerie reste donc dans une tradition de maçonnerie de métier pouvant recevoir des maçons acceptés.
Soucieux d'établir leur légitimité, les anciens affirment être les héritiers des anciennes traditions et détenir des secrets maçonniques inconnus de leurs adversaires. Ils introduiront notamment dans leur rite la pratique du degré de l'« Arche royale » (Royal Arch), inconnu des modernes.
La Grande Loge dite des Anciens, est constituée de membres de milieux plus modestes, opératifs, écossais et irlandais pour beaucoup, et souvent méprisés par les modernes plus élitistes. La Grande Loge d’Irlande, elle, a conservé plus vivante la tradition opérative qui inspira aussi les anciens. L’une des particularités de la Franc - Maçonnerie des « Anciens » est d’avoir réellement installé une initiation en trois grades.
Les Anciens noue des relations avec la Grande Loge d’Irlande et se développe rapidement, passant à plus 180 loges entre 1754 et 1793. Ces ateliers sont souvent constitués d’immigrés irlandais catholiques ayant été initiés en Irlande mais n’étant pas admis dans les loges plus aristocratiques de la Grande Loge d’Angleterre.
Dans le même temps la Grande loge de Londres commence à montrer quelques signes d’essoufflements et se renforce en intégrant de plus en plus de membres de la Royal Society, développe ses loges à l’étranger, interdisant les visites aux loges de l’obédience rivale et entamant la construction du prestigieux FREEMASON’S HALL. Elle conserve également la tolérance religieuse de ses origines, se distinguant de sa rivale, mais condamne l'athéisme.
Devant le succès affirmé des Grandes Loges et la décadence prévisible à long terme du métier, il s’avère indispensable de déposer dans la maçonnerie spéculative tout ce qui peut lui être confié. On voit alors apparaître, en une quarantaine d’années, ce qui constituera le complément du grade de Maître, l’Arche Royale, si chère aux anciens et ignorée des modernes.
Au XIXe siècle, après la réorganisation des pratiques consécutives à la fondation des premières grandes loges, les Ancients et les Moderns pratiquent de nouveau des rituels assez similaires, qui ne se distinguent que par un assez petit nombre de points remarquables, tels que la place de certains éléments symboliques, la manière de transmettre les mots de passe, ou une référence plus ou moins importante à la religion chrétienne.
Finalement les deux Franc-Maçonneries des « Ancients » et des « Moderns » finissent par se réunir en 1813 par l’Acte d’Union.
Ce texte sera remplacé en 1815 par les « Nouvelles Constitutions » dont se dote la Grande Loge Unie d’Angleterre, crée par la fusion en 1813 avec l’autre courant, d’origine écossaise et opératif.
On sait que, lors de l’union entre les grandes loges rivales, les usages des anciens prévalurent et qu’ainsi fut altérée une partie des innovations andersoniennes.
La déclaration préliminaire de l’Acte d’Union stipule : « La Maçonnerie pure et ancienne consiste en trois degrés, sans plus, à savoir ceux d’Apprenti, de Compagnon et de Maître Maçon y compris l’Ordre Suprême de la Sainte Arche Royale ».
La Grande Loge Unie d’Angleterre va puiser quelques articles des Old Charges pour justifier l’existence des Landmarks, les critères incontournables qui définissent l’univers de la régularité maçonnique chez les anglo-saxons.
Pourtant, la réunion des Anciens et des Modernes s’est faite sur la base d’un compromis puisque si les Anciens ont semble-t-il réussi à imposer leurs formes, de rituels mais c’est finalement l’approche initialement discutable des Modernes qui va prévaloir dans la Franc-Maçonnerie obédientielle que nous connaissons aujourd’hui.
CONCLUSION : Pendant ce temps là la Franc Maçonnerie moderne avait essaimé dans toute l’Europe. Je reviendrai sur l’essor de la Franc Maçonnerie en France dans une prochaine planche.
Thibaud SCH.°.