Le Silence
LE SILENCE
Toute ma vie, j’ai couru sans relâche après ma réussite scolaire, amicale, familiale et bien sûr professionnelle sans vraiment avoir pris le temps, d'une réflexion posée avec mes réelles aspirations. Car la parole est la première des défenses à un profond ressenti, ceci nous permet de ne pas voir consciemment ce qui nous dérange en nous et à contrario le silence permet de faire le point.
Après une longue discussion avec mon parrain sur la franc-maçonnerie sur ses conseils, je décidai de poser ma candidature pour enfin vous rencontrer.
Les enquêtes se déroulèrent et après plusieurs heures de discussion, aucune certitude ou réponse ressortirent de nos entretiens, et là un silence s’opéra, car à qui en parler, comment en parler, et je m’aperçus qu’une douce et lente introspection commençait en moi.
Le passage sous le bandeau arriva et le silence se fit entendre, car comme tous les futurs initiés, je fus dans leu recueillement, dans mes inquiétudes et ma hâte de passer cette première épreuve. Celle-ci me permis de constater que le silence est un formidable outil de concentration et de méditation.
La deuxième étape vînt enfin, l’initiation, commençant par le Cabinet de Réflexion, j'entrai dans une petite pièce austère qui me fît penser à une geôle, un tombeau. J'y trouvai beaucoup d’objets, de maximes, de symboles qui me propulsèrent dans une grande réflexion. Mon silence commençait à me peser, car ne pas parler pendant plus de dix minutes m’étais impossible, et je compris très vite que je devais faire le point sur moi-même et que c'était pour cela que le silence, était de rigueur.
Le silence est souvent associé à la mort et là c’était la mienne, celle du profane.
Le testament symbolique me laissa entrevoir enfin la, ou les vraies raisons de mon entrée dans notre Obédience.
Au-dessus de moi, je pouvais lire « vigilance et persévérance », persévérance, oui ceci est compréhensible, mais pourquoi vigilance, ne sommes nous pas tous en sécurité entourée de nos frères ?
C’est évident que le silence m’a aidé à trouver la symbolique « vigilance », car étant très nerveux et émotif, je compris très vite que la vigilance était envers moi, envers mes engagements, ma volonté et c’est une des premières fois où je compris, tout l’intérêt du silence dans la compréhension de soi.
L’initiation se déroula dans une grande émotion, car encore une fois je devais plus écouter que parler, mais beaucoup de bruit retentit lors de mon premier voyage, voir du brouhaha. Mon deuxième voyage fut moins stressant, et je ressentis un certain calme revenir en moi, le troisième voyage fut franchement apaisant, car le silence envahit le Temple.
Il est évident que les hommes recherche la sérénité dans le calme ou le silence et seul les sages réussissent à trouver une harmonie entre silence et bruit.
Il est vrai que j'observe le silence depuis mon initiation, ou devrais-je dire depuis que vous m'avez nommé Apprenti, car avant, pendant mes trois voyages j'ai dû répondre à certaines de vos questions ou ordres.
Si j’avais su, que c’était la dernière fois avant longtemps que je pouvais parler, j’y aurais pris plus de plaisir. Car depuis, a part le « Présent Vénérable Maître », le silence est de rigueur et si cette phrase n’est pas dite, la taxe « to be in » prend le dessus.
J’ai constaté lors de nos tenues, que nos frères maîtres maîtrisent parfaitement, le silence dans leur mode de communication, car ils ont conscience que le silence créer, permet à nous les apprentis de passer par une période de réflexion ou d’introspection. Je pense que le jeune initié que je suis a besoin de cela pour tailler ma pierre.
Il est évident que pour nous les apprentis, nous écoutons les échanges dans le silence et ne partageant pas le débat, nous ressentons, et comprenons mieux le sens des symboles, car notre concentration est simplement figée sur l’avis des frères. Cet exercice permet une meilleure acceptation des différentes pensées, tout en contrôlant nos émotions et nos réactions.
Lors de nos tenues, dans le silence de l’écoute, je m’aperçois, que certaines interrogations fusent dans mon esprit et souvent en laissant l’explication aller à son terme, les réponses à mes questions arrivent naturellement.
Cet exercice est important dans ma vie profane, car souvent, je coupe la parole pour exposer ma position, en polluant le débat, car je n’ai pas encore le recul suffisant ou la sagesse d’un maître pour maîtriser mon silence.
Aujourd’hui sans y arriver naturellement, je m’aperçois de mes travers et pense avoir franchi un pas tout en réalisant le travail qui reste encore à entreprendre.
Je reprendrai une phrase dite dernièrement par un de nos Frères maître lors de sa planche tracée, Confucius a dit:
"Nous avons deux oreilles et une bouche, donc nous devons parler deux fois moins que nous devons écouter."
Mais nous ne pouvons pas parler de silence sans appréhender notre propre introspection, cette perpendiculaire qui descend en nous pour aller vers le VITRIOL.
VITRIOL «Visite l’Intérieur de la Terre, et en rectifiant, tu trouvera la pierre occulte » entrer en nous pour voir et comprendre les formes de notre pierre brute, l’appréhender, la mesurer avec ses forces et ses faiblesses. Le silence est un outil indispensable à toute perpendiculaire, car les sentiments ou ressentiments sont plus accessibles dans le silence, je pense que le bruit ou la parole pollue la descente en nous, la parole est une défense à nos ressentis et le bruit autorise la déconcentration et la dispersion des pensées.
Le silence est constructif, mais peut être destructeurs si nous sommes laissés seul avec notre silence nous pourrions partir dans certains non-dits qui souvent ont détruit beaucoup d’êtres, mais c’est là ou toute la notion de transmission de connaissance et de fraternité intervient de vous tous mes Frères.
Nous pouvons aussi parler avec le silence de son opposé, le mutisme, celui-ci est néfaste à l’homme car il est un état de fermeture à l’autre et à soi-même tandis que le silence est une ouverture à la révélation.
Le Silence à un opposé, la parole, et elle représente un de nos cinq sens, Lorsque qu’un homme en perd un, il développe naturellement les autres, je pense que pour nous c’est identique, car ne pouvant pas parler nous entraînons nos sens complémentaires importants, « la vue et l’écoute »
Ceci nous permet de mieux travailler les outils mis à notre disposition en écoutant nos frères lors de leurs belles planches mais aussi de voir de déroulement de notre rituel du premier degré.
Le silence en loge catalyse les énergies et ceci donne une dimension spirituelle à nos tenues, cette énergie nous pouvons la constater dans la chaîne d’union, moment formidable de recueillement pour nos frères parti à l’orient éternel, mais aussi un instant très fraternel ou chacun peu partager son énergie avec ses frères.
Le silence est un antidote au bavardage qui est qualifiée de prostitution du verbe, au « croire parler » et à la parole exutoire.
Pour l’apprenti, c’est la discipline imposée à « celui qui ne sait pas », comportement rare dans une collectivité ou la propension est à l’affirmation et à la valorisation de soi par la parole et la reconnaissance d’autrui.
Le silence est aussi un moyen formidable de mettre l’autre en valeur, car il nous permet de mieux l’écouter, de mieux le comprendre et donc de mieux le respecter, et il me paraît évident que ce travail doit être bien acquis par l’apprenti pour commencer à travailler sur les autres
En conclusion, je pense que cette étape a été bénéfique à ma construction, à tailler ma pierre, et qu’une prochaine épreuve devrait arriver. Retrouver la parole est un exercice pas facile et n’ayant pas parlé durant près de deux ans, au-delà de nos frustrations égocentriques, ceci nous amène un certain confort intellectuel, même si le silence est très important, il n’est pas une fin en soi et je suis très content d’avoir repris la parole, pour, je l’espère de pas la reperdre.
Claude LAC\
12 mars 2006