M :. B :. : le Mot Sacré Substitué, une invitation à l’élévation

L’élévation spirituelle – La Porte des Rêves lucides

 

PREAMBULE

Après une brève introduction, j’évoquerai l’Architecte, puis la nécessité de mourir afin de renaitre pour se reconstruire en s’élevant moralement et spirituellement.

INTRODUCTION

Quel est celui qui ne se sera pas interrogé durant ses années d’apprentissage et de compagnonnage sur ces deux initiales brodées sur le tablier des Maîtres.  Ce dernier dont l’avers est blanc, bordé de rouge ponceau, porte en effet, sous sa bavette rabattue, les lettres M :. et B :. de couleur rouge. Tout est là, tout est tracé, tout est dit. Le blanc qui fut avant le XVIIème siècle celui du deuil, est aussi celui du passage (et de la résurrection) ; quant au rouge, il est tout aussi bien celui des passions à maitriser que le sang d’Hiram. Sang de sa mort mais aussi sang de la Vie. Antoine Furetière, dans son Dictionnaire Universel du XVIIème siècle, indique que le rouge ponceau est « un rouge fort foncé … couleur de feu » ; du feu de l’Esprit, de la vie spirituelle.

I « C’EST L’ARCHITECTE »

Nos rituels sont émaillés de nombreux hébraïsmes. N’ayant ni le souhait ni les compétences, de réaliser une longue exégèse hébraïque, il me plait néanmoins de voir en M:. et B:., le Mèm ( מ ) et le Beith ( ב ) hébreux. La forme et la calligraphie du Mèm, ainsi que Josy Eisenberg le souligne dans « L’Alphabet Sacré » est formé graphiquement par un Vav ( ו ), accolé à un Kaf ( כ ). Si les valeurs numériques des lettres Vav et Kaf qui sont 6 et 20, sont ajoutées afin de reconstituer le Mèm, on trouve 26, qui est la valeur du Tétragramme sacré, יהוה, Nom Ineffable, imprononçable, de la Divinité. Selon la Kabbale et la Guématrie, des mots de même valeur peuvent être rapprochés, étant considérés comme présentant des qualités similaires. Autrement dit, quand le Mèm est décomposé, il peut être considéré comme une forme du Nom Divin. Par ailleurs, Beith ( ב ) qui signifie « maison » peut également être compris comme « temple », ce qui laisse entendre que le Beith ( ב ), serait la maison du Mèm ( מ ), l’hébreu se lisant de droite à gauche, et donc, que le temple serait la maison de Dieu. Cela semble parfaitement naturel et cohérent. Le Maître maçon porte en lui-même un reflet de la Grande Lumière, qu’il a pour Devoir de développer, afin d’accéder à la transcendance. Créateur et créature ne font qu’un. M :. B :., C’est donc bien (tout du moins en potentialité et en puissance) l’Architecte !

II-1 SAVOIR MOURIR …

Le Maître, désireux de poursuivre la construction inachevée, essaye de lire, sur la page blanche représenté par le fond blanc de son tablier, les plans de l’édifice. Mais, pour cela, et se substituer à Hiram, il doit devenir Architecte. Et pour pouvoir travailler en Chambre du Milieu, il lui est nécessaire de posséder le Mot Substitué. Il ne possède plus que celui-ci, le Mot des Maîtres ayant été perdu lors de l’assassinat du Maître des maîtres. Ce Mot qui était partagé par Hiram et ses Frères, représente le secret dont ils étaient dépositaires. Ce dernier, mystère de l’Art Royal, consistait en Connaissance et doctrine ésotérique. Avec sa disparition, ce sont les Secrets véritables des Maîtres Maçon, le secret de l’œuvre en cours d’exécution, et donc la capacitée à décrypter les plans de la construction qui ont été perdus. La Lumière s’est éclipsée, la Vérité s’est voilée. L’homophonie du Mot substitué avec : « There is marrow in this bone », signifiant « Il y a de la moelle dans cet os », exprimée par l’un des fils de Noé, dans la légende développée dans le manuscrit Graham de 1726, précurseur du 3ième degré, nous conforte dans l’idée que ce qui doit être découvert, et qui est constitutif du secret, est caché au plus profond de nous, dans la substantifique moelle aurait dit Rabelais (Prologue de Gargantua). Le récipiendaire qui s’identifie à Hiram lors de la cérémonie d’initiation, tombe sous les coups des mauvais compagnons. A l’issue de cette mort symbolique, tout se désunit, la chair quitte les os. Il devient « fils de la putréfaction » (filius putrificationis), ainsi que le signifie, Mac-Benac, Mot Substitué du Rite Français (Tuileur de Vuillaume). Pour accéder à la maitrise, il est nécessaire de mourir, pour pouvoir renaitre et changer d’état, de niveau de conscience, de plan. « Notre vieil homme » est mort, « pour que nous ne soyons plus esclaves du péché » (Rm 6:6). Cette dissolution, ce « solve » de l’œuvre au noir est nécessaire pour que puisse se réorganiser et se reconstruire l’initié comme nous y invite la devise du R.E.A.A. : Ordo ab Chao. Selon Michel Fromaget, les Anciens, de l’antiquité aux pères de l’Eglise, considéraient, que ceux qui n’existaient qu’à travers la matérialité, la « vie biopsychique », étaient en fait mort ; et les hommes non nés une seconde fois, comme des cadavres. Plus récemment, Théophane Le Reclus (1815-1894), évêque russe et saint de l’Eglise orthodoxe écrivait de celui qui est passé de la condition d’homme matérialiste et charnel à celle d’homme accompli « qu’il est sorti de lui-même comme d’un cadavre en décomposition ». Pour être en mesure de progresser, cette seconde mort, après celle du cabinet de réflexion, est nécessaire. Ceux qui ne veulent pas abandonner leurs passions, leurs vices et leurs turpitudes, ressemblent « à des sépulcres blanchis, qui paraissent beaux au dehors, mais qui, au dedans, sont pleins d'ossements de morts et de toute sorte d'impuretés » (Mt 23:27). Pour lutter contre ses mauvais compagnons, pratiquer la Justice, s’assurer que sa conduite est en accord avec son Idéal, le Maître abandonne les excès auxquels l’incite le corps, qui corrompent l’esprit, et reprend le contrôle de ce qui lui serait fatal. Il part en quête des Secrets véritables des Maîtres maçons en vue de construire un plus bel édifice.

II-2 POUR MIEUX RENAITRE

C’est par le Mot Sacré Substitué que le T :. V :. M :. lui souffle à l’oreille, à l’issu du relèvement par les cinq points parfaits de la maitrise, que le nouveau Maître renait aussi radieux que jamais. Le T :. V :. M :. lui a insufflé la Vie, au sens le plus noble du terme. Il s’agit de celle de l’homme en voie d’accomplissement, d’achèvement. D’une vie d’élévation spirituelle, de transcendance. C’est à ce moment que le M :. des Cér :. écarte promptement le rideau qui voile le DEBIR et rallume toutes les lumières de manière à rendre la L :. aussi éclairée que possible, soulignant ainsi le passage de l’ombre à la Lumière, de l’équerre au compas, du corps à l’esprit.  Il ne s’agit plus seulement là, comme au premier degré, d’une simple renaissance. Il s’agit d’une véritable conversion, d’une métanoïa. « Ainsi en est-il de la résurrection des morts. Le corps est semé corruptible; il ressuscite incorruptible; il est semé méprisable, il ressuscite glorieux; il est semé infirme, il ressuscite plein de force; il est semé corps animal, il ressuscite corps spirituel. S'il y a un corps animal, il y a aussi un corps spirituel » (1Co 15:42-44). Le récipiendaire c’est retourné en entrant dans le temple avant d’enjamber le cadavre, dépouille symbolique de lui-même, qu’il allait abandonner en vue de renaitre sur la voie de l’élévation. Cette conversion est un retournement total à l’instar des acrobates que l’on peut admirer sur les frontons ou les chapiteaux des cathédrales. Il est de l’extérieur vers l’intérieur, du bas vers le haut, de la lettre à l’esprit, de la matière au spirituel. Il s’agit d’un changement de point de vue, de regard, un élargissement de la conscience. C’est un changement de plan. Le Maître entre dans le temple. Il est désormais dans la Chambre du milieu. Dans son Temple.

III LA RECONSTRUCTION

La réduction théosophique de Mohabon, qui s’écrit en hébreu, selon Michel Saint-Gall, mem, vav, aleph, beth, noun, ( מואבן ), a pour valeur 9, ce qui suggère la fin et le renouveau. Un cycle s’achève pour qu’un nouveau puisse démarrer. Le vieil homme, au sens de Saint-Paul, va s’éclipser au profit du nouveau. Le rébus constitué par les trois mots sacré prend sens. Moabon Jakin Boaz, L’architecte établi avec force, le temple, son Temple, son Temple spirituel puisqu’il s’agit « du temple de son corps » (Jn 2:21), et que ce « corps est le temple du Saint-Esprit qui est en nous » (1Co 6:19). L’espace sacré, c’est ce temple qui est en chaque homme, que chaque homme est amené à développer en s’élevant spirituellement.

Avec la mort d’Hiram, le Mot est perdu. De façon similaire à la Parole créatrice du Prologue de l’Evangile selon Jean, le Mot représente le savoir-faire de bâtisseur du Maître et sa capacitée à construire. Sans Mot, le chantier est arrêté. Tout n’est néanmoins pas perdu puisque le Maître qui renait, substitué à Hiram, peut continuer à avancer et progresser, pourvu du Mot Substitué. Il entame un long processus de reconstruction. Et quand bien même, il ne subsiste plus qu’un Mot Substitué pour un Maître Substitué, et que par conséquent, l’œuvre ne puisse être parfaite, le nouveau Maître travaille avec entrain, en artiste pour qui l’œuvre seule compte. Il fait preuve de zèle afin de s’élever sans relâche, et de tendre vers une perfection, qu’il sait néanmoins ne pas être de ce monde, mais dont le Christ peut être considéré comme une représentation symbolique, la Parole s’étant faite chair en lui (Jn 1:14). En cherchant ce qui a été perdu, le Maître cherche la clef de son inconscient, afin de mieux le visiter, et d’y découvrir ce qui y est épars ; et ce en vue de le clarifier, de l’organiser, de l’harmoniser et enfin de le coordonner avec le monde et les autres. Chercher ce qui a été perdu, c’est chercher sa vérité, son unité, le centre du cercle ; ce qui permet d’accéder à l’harmonie, à la paix et à la sagesse. C’est devenir un homme accompli et épanoui. Chacun travaille au mieux avec ce qu’il a, c’est-à-dire lui-même, pour suivre son propre chemin, et édifier son propre Temple, reflet de ses spécificités et de sa personnalité. Cette quête, de ce qui a été perdu, c’est donc celle de la Lumière, de la « Merkaba », dissimulée derrière le rideau séparant l’Hekhal du Debir. Le « Trône » derrière le « Voile cosmique » est entouré des quatre vivants. « Le premier être vivant est semblable à un lion, le second être vivant est semblable à un veau, le troisième être vivant à la face d'un homme, et le quatrième être vivant est semblable à un aigle qui vole » (Ap 4:7). Tout comme sur le fronton de la porte occidentale des cathédrales, sur les chaires des églises, à la croisée des transepts … les quatre vivants gardent le passage. Le passage de l’Equerre au Compas, le passage qui mène dans les hautes régions de la Connaissance spirituelle tout en incitant l’initié à se métamorphoser.

III-1 ELEVATION MORALE

Cette transformation du veau en homme, en passant par le lion et l’aigle est signe d’élévation morale et spirituelle. Le veau, symbole de passivité, de réceptivité, d’acceptation, de résignation, représente l’être humain qui absorbe et intériorise passivement, sans esprit critique, sachant que notre société de consommation qui fait la part belle aux media de masse, favorise particulièrement cet état. Le second état est celui du lion, courageux, combatif, vaillant qui représente l’homme en devenir, libre, autonome, indépendant mais également tellement sujet à l’ego. Le passage à l’aigle suggère la maturité, de celui qui a su se défaire de son « moi » et de ce qui fonde la société matérialiste occidentale, à savoir, le pouvoir, la possession, les plaisirs excessifs. Enfin, l’homme est le reflet de celui qui est accompli, achevé, qui est passé de la vie matériel à la vie spirituelle. L’édification de son édifice passe donc par une élévation morale à l’image d’Hiram, l’homme Juste, fidèle au Devoir jusqu’à la mort. L’espoir de retrouver l’harmonie, passe par la capacité à se recentrer en accroissant son niveau de conscience, de soi, des autres et du monde qui nous entoure. Notre amélioration intellectuelle, morale et spirituelle est la conséquence de l’évolution de notre psychisme, de notre psyché. A l’image de ce grand miroir, inclinable à volonté et permettant de se voir en pied, que ce terme désigne en sus de notre activité mentale, cette dernière doit se tourner vers l’esprit, vers une conscience et une morale élevées et non s’orienter vers la matérialité, le corps et ses envies excessives. Le Maître, apprend à se « dépouiller, eu égard à sa vie passée, du vieil homme qui se corrompt par les convoitises trompeuses » (Ep 4:22).

Michel Saint-Gall, tout comme Daniel Ligou nous rappellent que Moabon était le fils né de l’inceste de la fille ainée de Loth avec son père (Gn 19:37). Celui-ci donnera la ligné des Moabites dont Ruth, femme païenne convertie au judaïsme, illustre celle qui quitte les ténèbres de l’ignorance et du fanatisme pour accéder à la Lumière en se mariant avec Boaz. Leur descendance comprendra non seulement le roi Salomon mais également le Grand Initié Jésus (Mt 1:1-17). Ces cycles de mort et de renaissance représentés par les multiples générations issues de Moabon, évoquent le travail intérieur du Maître, qui peut le mener vers les plus haut sommet de la spiritualité, et ce malgré les pentes abruptes de la montagne. Par ailleurs, l’union de Loth, qui s’est débarrassé de ses mauvais compagnons en abandonnant Sodome, et de sa fille, dans l’inconscience de son sommeil, peut être perçue comme celle de l’homme avec son anima, sa part féminine, au cours de son processus d’individuation en vue de rassembler ce qui est épars, de progresser vers son centre, vers la Lumière.

III-2 ELEVATION SPIRITUELLE

La divulgation Masonry Dissected de Samuel Prichard (p18 « The Master’s Degree »), indique l’existence d’un rituel du 3ième degré en 1730. Depuis cette époque jusqu’en 1751, les différents textes (Le catéchisme des Francs-Maçons (p26 « Abrégé de l’histoire d’Adoniram »), Le Sceau rompu (Catéchisme du Maître), L’Ordre des Francs-Maçons trahi (p97 « Réception du Maître »), La désolation des entrepreneurs modernes, Le Maçon démasqué (p66)) révèlent que le « Mot de Maître » était le Nom Ineffable : Jehovah. Or, la divinité ne peut, ni être représenté, ni être nommée. Le Principe Suprême est ineffable et lui donner un nom (Dieu, Jéhovah, Allah, ou tout autre) c'est le rapetisser à la mesure humaine, et donc le profaner. La créature ne pouvant nommer son créateur, un glissement s’est opéré en lui substituant un autre mot. En fonction des Rituels et des documents, on trouve en plus de Moabon, Mahabyn, Matchpin, Maughbin, Magboe, Machbenah, Macbenac, Mahhabone, Mah Haboneh etc. Cette profusion de différentes forme du Mot Substitué laisse à penser que son expression n’a que peu d’importance. Bien au contraire, il semble nécessaire qu’il soit en rupture avec toute représentation du Principe afin d’affranchir l’initié de tous liens avec un enseignement préétabli, académique, idéologique, ou religieux. C’est ainsi que ce dernier peut accéder à une spiritualité qui lui est propre. Le Mot Sacré Substitué, que ce soit, יהדה, Jehovah ou Moabon, n’est qu’une représentation de l’inconnaissable, du transcendant. A travers sa quête, le franc-Maçon est invité à s’élever, à se dépasser, à se transcender. Pour cela, il lui est indispensable d’effectuer encore et encore ces descentes introspectives qui lui permettront de mieux se connaitre. Cette connaissance de lui-même, dépassant le « je » et le « moi », mais prenant en compte la globalité de son être est indispensable afin de pouvoir ensuite s’élever vers l’esprit.

CONCLUSION

Le Mot Sacré Substitué est une invitation à laisser mourir le vieil homme, pour mieux renaitre à soi-même, en vue d’une reconstruction passant par une élévation morale et spirituelle. « Je suis l'alpha et l'oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin » (Ap 22:13). De l’Equerre, de l’homme corporel et matière, l’Initié est invité à passer au Compas, homme spirituel, sachant que l’un et l’autre ne feront qu’Un.

L:.D:.

29 mars 6023



03/04/2023
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