« Mithra et le Sol Invictus »
Introduction
Lorsque notre VM m’a confié ce thème, lorsqu’il bâtissait le programme de l’année à venir, force est de reconnaître que je n’avais jamais entendu parler de Mithra.
Par contre, j’avais eu ouï dire de Sol Invictus, littéralement traduit du latin en Soleil Invaincu.
Cette planche a bien évidemment été choisie dans le cadre de la fête solsticiale de la Saint Jean d’hivers et de notre banquet d’ordre de ce soir.
* * *
Mithra est un dieu d’origine indo-iranienne dont le culte remonterait au IIème millénaire avant JC. Son culte s’est transporté à Rome pour, au Ier siècle après JC, y rencontrer un fort succès ; il y est devenu un culte à Mystères, le Mithraisme : ce seraient les pirates et les mercenaires étrangers qui auraient ramené à Rome les pratiques spirituelles du culte de Mithra. Ce grand dieu perse séduit aussi les empereurs romains et les soldats et a été très populaire dans les légions romaines.
Très peu de textes sacrés sont parvenu jusqu’à nous pour nous renseigner sur la mythologie et la doctrine des Mystères de Mithra… Par contre, des œuvres d’art peintes, sculptées ou composées en mosaïque évoquent l’univers spirituel mithriaque.
Mithra serait né d’une pierre vierge (Pietra Generatrix). L’iconographie des peintures et des sculptures antiques nous présente des images de Mithra et des scènes mythiques comme le Sacrifice du Taureau, appelé Taurobole, ou celle du Banquet Sacré, consommé en commun par Sol et Mithra.
Le plus souvent, la mise en scène de l’immolation du Taureau laisse supposer que Mithra agit à la demande du Soleil, Sol… On retrouve cet épisode mythologique représenté sur de très nombreux reliefs ou peintures mithriaques.
Inspiré par Sol, Mithra détourne la tête au moment de sacrifier l’animal comme s’il agissait à contrecœur. Mithra saisit d’une main les naseaux de l’animal et de l’autre lui plante un couteau dans le flanc.
Dans la plupart des représentations peintes ou sculptées, Cautès, le Soleil Levant ou Ascendant, et Cautopatès, le Soleil Couchant ou Descendant, encadrent la scène du Sacrifice du Taureau par Mithra… Flambeau dirigé vers le bas ou vers le haut, Cautopatès et Cautès renvoient à la lumière descendante du crépuscule et de la nuit, et à la lumière montante de l’aurore et du jour, une image qui se rattache au cycle solaire et aux solstices d’hiver et d’été.
Dans le culte de Mithra, la lumière est célébrée, la force est valorisée, mais aussi la fraternité, l’égalité et la loyauté. Ces idées séduisent les soldats romains, les commerçants et les voyageurs initiés au culte de Mithra en Orient.
Les sanctuaires de Mithra possèdent une petite nef voûtée dans laquelle on installe des banquettes pour les fidèles et les initiés. Ce sont des sortes de cryptes ou cavernes.
Au cours des Mystères de Mithra, le festin mithriaque se déroule dans la caverne cosmique. Sol et Mithra sont servis par des personnages (parmi les initiés) qui portent des masques d’animaux.
Ce banquet divin devient le modèle des repas rituels organisés dans les cérémonies du culte de Mithra. Les participants aux Mystères de Mithra arborent des masques qui spécifient leur grade initiatique. Ils se chargent de servir le chef de la communauté appelé Pater.
Des textes et des inscriptions renseignent sur l’organisation des 7 grades de l’initiation mithriaque : Corbeau (corax), Épousée (nymphus), Soldat (miles), Lion (leo), Perse (Perses), Courrier du Soleil (heliodromus) et Père (Pater) correspondent au divers degrés acquis dans l’initiation.
Chacun des 7 grades de l’initiation aux Mystère de Mithra se déroule sous la protection d’une planète… Ainsi Mercure protège le degré Corbeau (corax), Vénus celui d’Épousée (nymphus), Mars celui de Soldat (miles), Jupiter celui de Lion (leo). La Lune protège le grade de Perse (Perses) et le Soleil celui de Courrier du Soleil (heliodromus). Saturne veille sur l’initiation au plus haut grade de Père (Pater).
Le détail du déroulement de l’initiation mithriaque selon chaque grade est bien sûr inconnu… Mais la littérature chrétienne qui condamne les sacrements de Mithra évoque un baptême… Ce baptême consacre probablement l’introduction du néophyte (le candidat à l’initiation) dans sa nouvelle vie d’initié.
Un auteur chrétien du IVe siècle après JC raconte comment on bande les yeux des candidats, entourés d’un groupe gesticulant et imitant le cri du corbeau ou le rugissement du lion. D’autres postulants, les mains liées, doivent sauter par-dessus un fossé rempli d’eau.
Un membre de la communauté, armé d’une épée, vient alors en libérateur couper leurs liens.
Comme dans beaucoup de cultes à Mystères, on participe à un banquet sacré. Dans le culte de Mithra, le repas rituel des initiés réactualise le banquet divin partagé par Mithra et Sol après le sacrifice du taureau… Sacrifice représentant la régénération du monde.
Ces banquets possèdent une signification sacrée et spirituelle qui s’apparente à un sacrement… et sont peut-être le prototype de l’eucharistie chrétienne.
Selon la tradition, Mithra et Jésus sont nés un 25 décembre.
Certains chrétiens du IIe et IIIe voyaient d’ailleurs dans les Mystères mithriaques un concurrent plus ou moins diabolique de leur religion.
Revenons à Sol
Les empereurs romains se réclament du Sol et se rêvent en roi-soleil (exemple : Néron).
La notion de « Sol invictus » se retrouve dans de nombreuses autres civilisations ou dans d’autres cultes romains.
Les chrétiens eux-mêmes font de Jésus le “Soleil de Justice” ou “Sol Invictus”.
La relation entre Mithra et Sol (dieu Soleil), apparaît mystérieuse. Comme indiqué ci-dessus, Mithra semble recevoir de Sol l’ordre de sacrifier le taureau… Pourtant, du point de vue du panthéon des dieux, Sol est une divinité mineure au regard de Mithra, dieu souverain dans la Perse ancienne…
La relation très étroite entre Sol et Mithra s’exprime particulièrement dans les scènes de Banquet Sacré, au cours duquel ils partagent et consomment la chair du taureau sacrifié. Et sur certaines inscriptions, Mithra est qualifié de Sol-Invictus.
Le corbeau apparaît comme le messager de Sol. L’oiseau renvoie sans doute à l’inspiration envoyée par Sol à Mithra pour mettre à mort le taureau, et ainsi sauver le monde. Sur certaines représentations, ce sont des rayons solaires qui, dirigés vers Mithra, lui insufflent la nécessité de son acte.
Cette image du sacrifice du Taureau se rattache aussi aux conséquences bénéfiques de l’immolation de l’animal, qui engendre la régénération de la nature, des animaux et de la végétation.
Par ailleurs, à la fin du banquet dans le culte de Mithra, Apollon emmène Mithra dans le ciel sur le char du soleil : c’est l’apothéose : Mythra, d’abord homme (pierre), devient de nature divine.
De société secrète (culte à mystères de sociétés ésotériques et initiatiques), le Mithraisme au IIIème siècle après JC va devenir une religion publique à caractère exotérique, celle du Sol Invictus, ou Soleil Invaincu, en concurrence directe avec le christianisme.
Dans Marc-Aurèle et la Fin du monde antique l’auteur donne son point de vue : si le christianisme eût été arrêté dans sa croissance … le monde eut été mithriaste.
En 382 après JC, l’édit de Gratien combat la pratique du culte de Mithra et la religion du Sol Invictus. Cette fin annoncée se confirme définitivement avec les édits de l’empereur Théodose (379 à 395) en 392 après JC qui ont imposé le christianisme comme religion d’Etat de l’empire romain.