Pensée Symbilique et Réelle
"La pensée symbolique rend possible à l'homme la libre circulation à travers tous les niveaux du réel."
La pensée symbolique, la symbolique, le symbolisme, la fonction de symbolisation, etc…
Lequel d’entre vous ne s’est jamais interrogé sur ces concepts abstraits ? Lequel d’entre vous n’a pas cherché à comprendre ? Lequel d’entre vous après avoir saisi un sens ne s’est pas trouvé démuni face à un labyrinthe ?
Une des raisons qui m’ont amené à la franc-maçonnerie était la curiosité purement intellectuelle qui s’attachait à ce que l’on appelle le symbolisme et plus précisément qu’est-ce que le symbolisme, à quoi sert-il et comment s’articule-t-il avec la réalité ?
En effet, le sujet est d’importance lorsqu’on découvre que la fonction symbolique représente l’accès à l’humanité, et même si le processus est mystérieux car les hommes ont toujours expliqué le monde avec des outils différents, il n’en reste pas moins le souffle d’intelligence universel qui permet de relier les esprits.
Dès lors, il est terriblement tentant pour un profane ou pour un quelconque initié de jeter entre les disciplines les ponts indispensables à la connaissance.
Et là, les ennuis commencent…Comme vous probablement, je n’ai pas toujours trouvé dans les ouvrages maçonniques ce que j’espérais y trouver ; et, concernant le symbolisme, j’ai souvent dû gérer ma frustration devant des catalogues de symboles ou des grimoires ésotériques.
Ne me contentant pas de considérer le symbolisme comme une démarche, j’ai donc poursuivi mes lectures jusqu’à croiser un homme, un philosophe, un franc-maçon qui restitua une synthèse en respectant les éléments. Une sorte de grand cuisinier capable de sublimer le mariage des ingrédients sans en sacrifier aucun.
Cet alchimiste, ce franc-maçon c’est Henri Tort Nouguès.
Permettez-moi donc de m’appuyer humblement sur ses travaux et plus particulièrement sur un ouvrage intitulé « l’idée maçonnique » pour vous parler du symbolisme et de la réalité.
Si vous êtes déjà lecteur d’HTN, et si vous êtes attentif, vous pourrez y découvrir une petite phrase :
"La pensée symbolique rend possible à l'homme la libre circulation à travers tous les niveaux du réel."
Alors, si vous êtes de ceux qui tiennent pour central cet ouvrage dans l'œuvre d'HTN, et l'œuvre d'HTN comme originale au milieu de l'importante édition maçonnique, vous pourrez en levant les yeux vers le sommet de la cathédrale apercevoir une clé de voûte qui ressemble singulièrement à notre petite phrase.
Selon Montaigne l'homme livré à sa seule nature devient un animal dénaturé et pour se retrouver dans sa vraie nature, il doit s'ordonner à ce qui le dépasse et qui lui permet de se dépasser lui-même. Ce dépassement peut s'accomplir, selon Henri T, par la voie religieuse, philosophique et par la voie initiatique.
Voilà, le cadre est jeté, la question est posée que nous pourrions formuler ainsi : la pensée symbolique, carburant des démarches initiatiques, peut-elle donner l'accès à l'autonomie par-delà les savoirs de modalités différentes ?
Je vous propose d'abord une réflexion sur la création du symbolique et sur la juxtaposition des différents états du réel, puis, que nous nous autorisions un changement du regard…
Dans l’histoire, pour faire suite au schisme européen au XVIe et au XVIIe siècle, les penseurs et les philosophes ont souhaité rassembler après la division et le chaos.
Spinoza s'appuie sur Érasme pour faire du christianisme une éthique de liberté et de charité. Pour Pierre Bayle la vérité n'est plus la vérité de tel homme ou de telle Église mais se réduit à la recherche de la vérité, et John Locke propose de délimiter le domaine de la connaissance humaine afin d'éviter aux hommes de se perdre dans de vaines spéculations.
La tolérance s'imposera donc comme l'alternative pour l'homme dès lors qu'il ne peut jamais atteindre des vérités absolues et qu'il se trouve dans la nécessité de croire sans connaissance...
Face aux conflits d'intérêts et à la tentation de convertir par le fer et le feu, les constitutions d'Anderson s'établiront sur des principes de liberté de conscience et d'universalité et elles proposeront comme modèle de société l'Institution maçonnique.
La quête de la vérité appartient désormais à chaque conscience humaine habitée par la raison dont l'expression se trouve dans la loi morale.
Un large courant de pensée s'efforce alors d'évacuer toute définition de Dieu liée à une révélation particulière afin de libérer les esprits des querelles théologiques et Leibniz de définir Dieu comme" l'idée de l'absolu qui est en nous intérieurement comme celle de l'Etre, celle de l'immensité des êtres".
Pour Locke et Malebranche cet Être Infini et sage est incompréhensible ; tout homme qui "aperçoit Dieu peut affirmer son existence, mais il ne saurait le comprendre" et, Henri Tort de noter quelque part :" et s'il ne peut le comprendre, comment pourrait-il imposer sa propre conception à celle d'un autre homme ?"
Enfin, le franc-maçon ne saurait être athée, la conscience humaine sera ouverte sur tout ce qui la dépasse et la transcende, Dieu est Grand Architecte de l'Univers.
L'architecte dès lors prend sa dimension symbolique, il maîtrise nécessairement la totalité et la proportion, il doit connaître un grand nombre de sciences pour exercer son métier.
Tout édifice devient "la confluence du connaître et du construire".
Il faut dorénavant envisager et comprendre "l'architecture comme un signe" selon Alain pour qui "les édifices ont un sens comme les mots". Et Paul Valéry de remarquer que l'architecture comme la musique fait penser à "autre chose" qu'elle-même, ce qui permet à Henri Tort de traduire en disant que l'architecture est l'outil, le chemin qui veut nous mener du visible à l'invisible, de ce qui est construit à Celui qui l'a construit, du Temple à l'architecte et quand il s'agit de l'univers, de l'univers lui-même au Grand Architecte de l'univers.
L'architecture devient donc la voie qui nous conduit du chaos à l'ordre et des ténèbres à la lumière.
Notez que ce Dieu architecte et monarque de Leibniz devient avec la révolution scientifique de Copernic et Newton, le Dieu architecte, mathématicien et métaphysicien.
Il peut dès lors être atteint aussi à partir de la raison mathématique et métaphysique.
Cependant, au milieu des connaissances et des savoirs théoriques c'est la voie initiatique qui s'est imposée chez les francs-maçons pour transmettre et former.
On est "fait" maçon par l'initiation.
Il s'agit grâce à l'initiation d'essayer de transformer l'homme lui-même, il doit mourir à ce qu'il était.
La nouvelle naissance s'accomplira au moyen d'épreuves et de voyages symboliques qui ont pour but de nous apprendre que tout homme ne peut accéder à la vérité qu'en apprenant à surmonter et à maîtriser ces obstacles.
Ce cheminement initiatique reste personnel et fait appel non seulement à l'intellectuel mais aussi à l'affectif, au pensé et au vécu, et c'est parce que l'initiation s'adresse à l'homme tout entier qu'elle reste actuelle et conserve sa valeur.
Elle exprime une expérience humaine et s'appuie sur des vérités que nous délivrent les philosophes et les artistes, pour nous montrer l'homme prisonnier d'une situation et qui essaye de s'en libérer pour aller vers la vérité.
Cet enseignement ressemble à celui de Platon dans le mythe de la Caverne qui nous montre des hommes prisonniers de ce qu'ils croient être le savoir véritable.
On découvre que la seule intelligence ne suffit pas et l'initiation ne se réduit pas à une idée, elle est un acte qu'aucun autre ne peut accomplir à notre place.
C'est initiation doit permettre à l'homme de construire l'être au-delà de tout état conditionné quel qu'il soit.
La démarche initiatique aurait donc pour but de lutter contre toutes les formes de conditionnement.
Ainsi la vérité que nous laisse espérer l'initiation maçonnique n'est pas scientifique au contenu mesurable et objectivable.
Elle n'est pas non plus une vérité révélée déterminée par un dogme, ni celle d'un système métaphysique ou idéologique, prédéterminé et constitué.
Elle est celle d'une recherche.
L'initiation maçonnique ne donne pas la vérité et la lumière, elle est un chemin vers la vérité.
La franc-maçonnerie étant définie comme" une institution d'initiation spirituelle au moyen de symboles", la pensée symbolique se présente comme le moyen de l'initiation.
On pourrait s'en étonner dans ce monde de rationalité où la pensée scientifique semble s'imposer comme le seul modèle du savoir humain, et la science comme seule norme de vérité.
Ce qui est valable sur le plan de la méthode l'est aussi sur le plan de l'ontologie, c'est-à-dire de l'être et de l'existence.
Les mathématiciens, les savants, les poètes, les artistes sont tous à la recherche du réel au-delà des apparences ; au delà de cette recherche ne faut-il pas dire que tout" réel est voilé" et que l'entreprise qui consiste à essayer d'aller au-delà de ce voile ne saurait être considérée comme absurde ?
Lorsqu'on aborde l'étude de l'homme lui-même ne faut-il pas substituer aux méthodes utilisées dans les sciences de la nature, d'autres méthodes ?
Et n'y aurait-il pas une cohérence à expliquer les faits physiques, chimiques, biologiques en établissant entre eux des rapports de succession et de similitudes ?
En allant plus loin, concernant les phénomènes humains, l'explication ne devrait-elle pas laisser place à la compréhension, à la saisie immédiate d'une signification ?
Et poursuivant, n'y aurait-il pas à côté du savoir intellectuel place pour un savoir affectif, irréductible à celui du savoir objectif, et qui constituerait une forme de conscience différente de la conscience intellectuelle ?
Voltaire le rationaliste ne décrétait-il pas déjà :
" la certitude de mon existence, de mon sentiment et la certitude mathématique sont donc de même valeur quoiqu'elles soient d'un genre différent."
Ce qui permet à Henri T de poser la question : est-ce que la pensée symbolique ne fournirait pas un autre moyen de connaissance de l'homme et ne permettrait pas à notre contemporain de retrouver ce sens de l'être que les sciences positives et techniciennes lui ont fait perdre ?
Ou d'affirmer comme Gilbert Durand que:
"la fonction du symbole est de révéler une réalité totale inaccessible aux autres moyens de connaissance".
Formé par les deux moitiés d'un objet brisé que l'on rapproche tout symbole désigne autre chose que lui-même, il est "renvoi à", à une autre réalité que l'on ne peut définir.
Nous retrouvons dans tout symbole deux parties, l'aspect visible perçu, cette équerre ou ce compas, c'est ce que l'on appelle le " signifiant" qui va renvoyer au "signifié" non perçu concrètement.
Le symbole est ouvert par essence, il apparaît comme une énigme stimulante pour une pensée vivante et créatrice de sens, et cette interprétation exclut tout dogmatisme.
Le symbole est composé à la fois d'un fragment et d'un complément, il est fragmentaire et complémentaire, il est un être visible qui renvoie à un être invisible ; mais il y a concernant la réalité visée une double dimension des êtres et des choses, l'univers ne pouvant se réduire à sa seule apparence.
Le monde réel serait donc à l'image du symbole, double, et l'homme serait constitué par cette dualité. On pourrait voir l'homme séparé du monde, limité, prisonnier de sa finitude et déchiré le plus souvent ainsi que Platon nous le décrit dans le banquet, coupé en deux, fragmenté, chaque fragment renvoyant à son complément, à l'être complémentaire, androgyne, d'avant la séparation et la chute.
Dans cette acception, pour HTN la pensée symbolique apparaît alors comme particulièrement adaptée à une connaissance adéquate de la nature et de l'homme lui-même, fragments séparés et en même temps reliés entre eux et aux autres.
L'être fragmentaire renvoie donc à l'être complémentaire puis à l'être Total, à l'Etre Absolu de l'origine du cosmos que les francs-maçons nomment le Grand Architecte de l'Univers.
Et la boucle est bouclée puisque le "sumbolon" à réuni ce que le "diabolon" avait séparé.
C'est donc parce que le symbole décrit mieux que les sciences humaines réductrices la situation ontologique métaphysique de l'homme que la pensée symbolique peut saisir l'homme dans toutes ses dimensions, et aussi comme l'écrit Michel Barat, parce qu'elle:
"Permet d'étendre le champ de la conscience dans les domaines où l'intelligence abstraite et discursive ne saurait pénétrer".
HTN peut en conséquence écrire que:
"la pensée symbolique rend possible à l'homme la libre circulation à travers tous les niveaux du réel."
Reste que le réel ne saurait se réduire au réel manifesté, il y aurait derrière les choses et les apparences, un sens. Le monde visible se double d'un monde invisible et le premier n'est que la manifestation du second.
Mais ce sens les sciences positives ne prétendent pas le donner.
L'imagination symbolique que l'on trouve dans la poésie ou la musique ne serait-elle pas l'outil permettant d'atteindre cette vérité ?
Le poète est "un voyant" selon Rimbaud, et Hugo ne nous dit-il pas que la poésie nous exerce "à voir dans les choses plus que les choses".
L'homme plus "qu'animal social" serait donc un "animal symbolique", l'humanité commençant au moment où se manifeste un énoncé symbolique.
Michel Barat dit "
"qu'user du langage symbolique, c'est sortir du jeu des rapports de force pour entrer dans celui du dire authentique"
Ce n'est plus un langage de domination comme la rhétorique mais un langage qui veut connaître l'autre dans sa vérité.
La pensée symbolique apparaît ainsi comme l'outil du francs-maçons et le symbole comme une invitation à une recherche, comme l'initiation.
Ernest Cassirer le rappelle :
" sans le symbole, la vie de l'homme serait semblable à celle des prisonniers de la caverne de Platon. Elle serait limitée aux besoins biologiques et n'aurait nul accès au monde idéal, que par des voies différentes la science, la religion, l'art, la philosophie, et nous ajouterons la philosophie maçonnique ouvrent à l'homme d'aujourd'hui."
A partir de la vision élargie de philosophie maçonnique d'HTN, pouvons-nous explorer encore le domaine de la pensée symbolique et du réel ?
Et dans ce cas, comment nous y prendre si nous voulons pousser la connaissance de l'homme et de soi et celle du monde dans leurs aspects les moins visibles ?
Deux chemins possibles s'offrent à nous pour connaître mieux "l'âme" de l'homme de la Caverne et l'ombre de la Caverne.
Je vous propose d'une part la psychanalyse en passant par la psychologie génétique et d'autre part le monde quantique.
Si HTN, le philosophe, appuie sa réflexion sur le symbolique et le réel en nous recommandant de ne pas borner l'imaginaire, ce n'est peut être pas un hasard.
En effet, la thèse de la psychanalyse telle qu'établie par Freud c'est:
"l'étude et le maniement de l'appareillage symbolique, nommé appareil psychique, qui sert d'interface entre le sujet et le réel."
Freud établit que la formation de l'homme depuis la naissance démarre d'un "réel" et grâce au pôle perceptif que sont les oreilles, les yeux et la peau, il se construit sur des signes de perception, puis sur une représentation des choses pour aller jusqu'à la conscience et la représentation du mot.
Et là se pose le premier souci, la réalité universelle n'existe pas et de toute manière elle est différente du réel que nous ne pouvons pas percevoir…
Bon… à ce stade de notre réflexion il est utile d’explorer notre fonctionnement personnel et pour cela la façon dont nous nous sommes construits :
Soit un nouveau né, il voit flou même s'il entend distinctement déjà ; il ne peut pas se servir du moteur et n'a conscience ni de son corps ni globalement de lui-même.
Il est selon Lacan dans la première étape du "corps morcelé" car il n'a pas de conscience de l'unicité de ses membres ni qu'ils lui appartiennent.
Il ne fait pas la différence entre les différentes parties de son corps et les objets qui l'entourent, ni entre le dedans et le dehors.
Il entend des voix mais il ne sait pas si ça vient de lui ou de l'extérieur. Il a un rapport aux objets partiel car il les voit mais il ne les relie à rien et ce rapport est immédiat, disparate et non articulé. Ces objets partiels n'ont pas de sens pour lui, ils ont juste un sens pulsionnel. Il est bombardé par des stimuli sensoriels et incapable de se défendre.
Il n'est pas encore sujet.
Sa perception dénuée de sens est appelée par Lacan le "réel", c'est ce que le bébé perçoit avant d'y mettre de l'imaginaire.
Par exemple, s'il regarde un arbre il ne va pas voir des feuilles mais probablement des milliers de petits éléments tous différents sans aucun sens.
Ce rapport au réel n'est plus accessible par nous.
Ceci jusqu'à ce qu'il s'aperçoive que son corps a des frontières, un dehors et un dedans.
Là il ne pense pas encore en structure mais en miroir, si maman est en face de moi elle est à mon image. A ce stade il projette sur l'autre son propre vécu interne, c'est une relation imaginaire (18 mois, 2 ans).
Ceci jusqu'au moment où il a la capacité de se rendre compte que l'autre est différent. A ce moment là s'il veut communiquer il va falloir qu'il utilise un symbole, une médiation, c'est pour cela qu'on apprend à parler.
Là, la mère va lui parler avec ses mots, ses codes, un langage : "feuilles" "vertes".
Il va avoir une image acoustique et par répétition il va associer pour aboutir à une représentation de la chose. C'est ce que Lacan appelle la fonction codante de la mère.
Quelques traits caractéristiques de la chose vont devenir la chose, on part de caractéristiques de la feuille pour faire une abstraction qui va créer la représentation de la feuille.
Ce passage va se faire par appropriation du code signifiant que nous a fourni maman.
Nous avons donné du sens en verbalisant ce qui nous permet de passer de l'imaginaire au symbolique grâce au symbole (signifiant).
Originellement la symbolisation c'est le passage dans le langage verbal, donc dans le système préconscient/conscient.
On peut remarquer au passage que la langue ne permet pas de dire l'indicible. Le poète gauchit la langue, le signifiant, pour mettre de l'indicible.
Il va plus loin, au-delà du code, qui lui hélas, "rate" la chose.
Les artistes sont porteurs de vérités inconscientes, ce qui a fait dire à Lacan que la meilleure interprétation c'est le silence (et là un concert silencieux ou le tableau "carré blanc sur fond blanc" peuvent avoir du sens…).
Il est essentiel de noter que quelqu'un doit se trouver là pour attribuer du sens, c'est la mère car à la naissance nous sommes dans une dépendance absolue à l'égard d'un "autre bienveillant", à cette période l'autre a eu sur nous pouvoir de vie ou de mort puisque le bébé humain n'a pas d'instinct, c'est-à-dire de comportement programmé pour la survie de l'espèce comme les animaux.
L'autre a donc une importance considérable pour nous, ce qui a amené Lacan à le nommer le grand Autre avec un A majuscule.
Nous pourrions donc dire en rejoignant un philosophe et un maçon comme HTN par la face cachée, qu'à notre naissance nous étions dans un monde de chaos et qu'un principe supérieur, Grand A, nous a donné accès à l'ordre, à la connaissance et à la réalité grâce à une démarche initiatique et symbolique qui nous a permis une libre circulation à travers les niveaux du réel…(ou selon l'acception psychanalytique, le passage du réel à la réalité).
La pensée symbolique est donc l'outil le plus précieux que nous ayons du maîtriser pour exister ; d'ailleurs, sans lui l'enfant meurt comme l'ont démontré les enfants de Pitz qui privés de leurs mères emprisonnées bénéficiaient du matériel mais pas du symbolique.
Pas de miroir donc personne pour les regarder (je suis)
pour leur sourire (je suis beau)
pour les entourer (leur donner la notion du volume et de l'extérieur).
La réalité c'est le nouage des 3 registres, réel, imaginaire et symbolique. La réalité est donc différente du réel.
L'imaginaire se situe du côté de l'image, c'est ce qui n'est pas ordonné, c'est le foisonnement des idées. Pour sortir de l'imaginaire il n'y a que le savoir, car l'imaginaire ce n'est qu'une image.
Le symbolique c'est le système signifiant qui va ordonner l'imaginaire.
Le réel n'est plus là lorsqu'il y a le symbolique, il a fait place à une réalité.
Notre réalité ou notre vérité nous a été donnée par le grand Autre et elle est déterminée par notre cadre de référence.
C'est une croyance que nous avons sur nous, sur les autres et sur le monde à l'intérieur de laquelle nous allons nous mouvoir.
Notre cadre de référence est le résultat du cadre de référence familial, du milieu dans lequel on vit et de la culture dans laquelle nous évoluons.
L'enfant qui vient au monde est comme une page blanche sur laquelle la culture va s'inscrire, ses parents lui transmettent un cadre de référence personnel.
Le cadre de référence a pour but la canalisation de la pulsion pour nous satisfaire et nous protéger (un chaudron bouillonnant de pulsions-Freud).
Il n'y a donc pas "1" réalité... L'ensemble du cadre de référence est fait de fantasmes qui vont nous donner une vision positive ou négative de la réalité en fonction de l'objet sur lequel reposent les fantasmes.
Et pour maintenir le cadre de référence nous avons recours à toutes sortes de mécanismes de défense et de comportements que nous nommons ici des métaux.
Dans ces conditions, qu'est ce que la réalité ?
Même les plus belles rationalisations posent question.
La réalité scientifique par exemple est un mythe insaisissable, les outils font illusion ils n'expliquent pas la réalité.
Par exemple, le cerveau humain ne perçoit que l'espace euclidien à 3 dimensions.
Notre appareil sensoriel ne nous donne qu'un fragment de la réalité (couleurs ? formes ? je projette ma vision de la fleur, pas la véritable nature de la fleur, quid si j'étais abeille ou caméléon ?…)
Est-ce que dans un monde quantique il y a des couleurs, des odeurs, de la laideur ou de la beauté ? Ça c'est une idée humaine.
Nous avons appris à voir mais nous ne percevons qu'un milliardième de ce qui se passe.
Depuis Newton et Descartes nous sommes limités à un corps physique et on ne comprend l'être humain qu'à travers les molécules, on a toujours pensé que tout dans la nature se passait en surface sur un mode rationnel et rectiligne, mais la physique quantique nous dit tout à fait autre chose.
Les pères fondateurs de la physique quantique étaient certainement des disciples de Platon, puisqu'ils qu'ils pensaient que le monde des choses n'est que l'ombre projetée d'une réalité plus vaste, invisible et immatérielle.
Eddington par exemple déclara que la matière première de l'univers était la matière grise.
En effet, notre vision du monde est à la base un ensemble d'impulsions cérébrales. Elles proviennent d'impulsions qui voyagent le long des nerfs.
Celles-ci, proviennent de vibrations d'énergie aux extrémités des nerfs.
À la base de l'énergie se trouve le vide, le vide quantique.
Quelle partie est-elle réelle ? Aucune, car chaque étape du processus n'est qu'un code.
Où que l'on regarde, l'univers n'est qu'un réseau de signaux, qui transforme des vibrations sans aucune signification, en expériences qui ont une signification humaine.
L'amour qui lie un homme à une femme peut être décomposé en données physiques brutes mais ce faisant, il perd sa réalité.
En conséquence, affirmait Eddington, tous ces codes doivent correspondre à quelque chose de plus réel qui se situe au-delà de nos sens.
Ne rejoignons nous pas là le réel de Lacan et la construction symbolique d'HTN ? Ceci n'est pas anecdotique depuis la découverte des neuropeptides si proches du quantum. Un tel neurotransmetteur naît au contact d'une pensée, mais quel processus caché donne lieu à la transformation de la non matière en matière ?
Et là, si l’on accepte pour le jeu d’aller encore plus loin, le principe d'incertitude d'Eisenberg repose peut être la question pour la future médecine quantique : est-ce une particule ou une onde ? Est-ce esprit ou matière ? (plus on connaît avec précision la vitesse d'une particule moins on connaît sa position dans l'espace et réciproquement).
Et si nous poussons le raisonnement au bout de sa logique, Enstein a découvert le principe de la corrélation non locale instantanée et selon des hommes comme Changeux ou Chopra le début d'explication de phénomènes invisibles affectant le corps physique pourrait se trouver là.
La création d'un phénomène pourrait être le résultat d'un "saut quantique" puisque l'on sait que l'on peut retrouver des molécules identiques à deux endroits différents de l'univers après un échange spontané d'énergie qui se passe hors de "l'espace – temps".
Hors de notre réalité locale, il y a donc une réalité quantique que seul un nouveau paradigme mathématique a permis de découvrir(de Newton à la relativité).
Et si vous parlez avec des astrophysiciens comme Jean-Pierre Luminet, ils vous diront que les "trous noirs" déforment tellement "l'espace – temps" que les objets disparaissent et ne peuvent plus en sortir, comment concevoir que la Terre pourrait se réduire à 1 cm de diamètre ?
Aujourd'hui les astrophysiciens disent que ces énormes masses de matière devenues invisibles sont dans d'un lieu nommé la "singularité" mais la seule façon selon eux de démontrer le mécanisme des " fontaines blanches" et autres " trous de ver" consistera dans les 20, 30 prochaines années à découvrir le troisième paradigme mathématique de l'histoire de l'humanité.
Voilà, qu'est-ce qui est perceptible, qu'est-ce qui est réel, qu'est-ce qui est vérité, qu'est-ce qui est connaissable ?
Et nous, que devenons-nous ?
En conclusion, j'ai envie de répondre qu'un jour nous sommes nés et qu'un grand Autre nous a permis de passer du réel inconnaissable à notre réalité.
Puis, nous avons grandi et ajouté du connu grâce à la symbolisation mais nous nous sommes souvent enfermés dans les conditionnements de la pensée qui apportent la division et le conflit.
C’est là notre limite «métallique» et l’origine de nos soucis.
Mais, grâce à une démarche symbolique nous avons la possibilité de poursuivre notre recherche et d’accéder aux stades ultimes de l’évolution, l’altérité.
"La Vérité est un pays sans chemin" criait en silence Krishnamurti
et
le Petit Prince de Saint-Ex. lui répondait :
"on ne voit bien qu'avec le cœur l'essentiel est invisible pour les yeux".
Bernard d'ORI:.
28 mars 2007