"Un maçon est obligé, par son devoir, d'obéir à la loi morale ; et s'il comprend bien l'art, il ne sera jamais un stupide athée ni un libertin irréligieux." 12.02.2025
Ce soir, nous nous penchons sur une citation tirée des Constitutions d'Anderson, un texte fondateur de la franc-maçonnerie moderne. Ce document fut rédigé par James Anderson en 1721 et adopté en 1722, avant d'être publié à Londres en 1723. Anderson, dont l'appartenance maçonnique n'est attestée qu'à partir de 1723, a formalisé les principes et devoirs des francs-maçons dans un contexte de profonds bouleversements sociopolitiques et intellectuels.
La citation clé de notre présentation est la suivante :
"Un maçon est obligé, par son devoir, d'obéir à la loi morale ; et s'il comprend bien l'art, il ne sera jamais un stupide athée ni un libertin irréligieux."
Nous allons examiner cette phrase sous plusieurs angles : son sens profond, son contexte historique, et enfin, une approche plus personnelle de l’éthique.
Nous verrons ainsi comment ces perspectives se complètent et s’enrichissent mutuellement.
Précision concernant les Constitutions d'Anderson:
Les Constitutions d’Anderson posent les bases des principes moraux et éthiques auxquels les francs-maçons doivent adhérer. Ce texte ne se limite pas à un simple code de conduite, mais propose une vision du monde structurée par des valeurs universelles.
L'obligation d'obéir à la loi morale :
Cette loi renvoie à une éthique universelle fondée sur la vérité, l'intégrité, la justice et la charité. La franc-maçonnerie encourage un mode de vie qui favorise l'élévation spirituelle et intellectuelle. Cela se traduit notamment par des rituels spécifiques du Rite Écossais Ancien et Accepté. Par exemple, dans le premier degré du rite, celui d'Apprenti, le candidat subit une épreuve de purification symbolisée par les quatre éléments : la terre, l'air, l'eau et le feu. Ce passage marque le début de son cheminement initiatique et l'importance de la transformation intérieure. De plus, le serment prêté sur le Volume de la Loi Sacrée lors de l'initiation souligne l'engagement moral et la quête de la vérité qui doivent guider chaque maçon dans son apprentissage.
La compréhension de l'art maçonnique :
Ce n'est pas seulement une discipline initiatique, mais un cheminement personnel structuré par des rituels, des symboles et des enseignements appliqués à la vie quotidienne. Parmi ces symboles du Rite Écossais Ancien et Accepté, nous retrouvons notamment l'équerre et le compas, représentant l'équilibre entre la morale et la raison, ainsi que la pierre brute, image du travail initiatique que chaque maçon doit accomplir sur lui-même pour tendre vers la perfection. La lumière symbolise également la connaissance et l'élévation spirituelle, tandis que les colonnes Jakin et Boaz rappellent les fondements de la sagesse et de la force qui structurent le temple intérieur de chaque initié.
L’interprétation des termes "stupide athée" et "libertin irréligieux" :
Ces expressions ne doivent pas être comprises comme une condamnation de l’athéisme ou de la libre pensée, mais plutôt comme une mise en garde contre une approche irréfléchie et dogmatique du rejet de toute spiritualité ou cadre moral. Dans la tradition maçonnique, la notion de Grand Architecte de l'Univers offre une vision symbolique d'un principe créateur, unifiant croyants et non-croyants dans une quête de transcendance et de sens. Ce concept permet d’intégrer la diversité des convictions personnelles tout en maintenant un socle commun de valeurs. Ainsi, loin d’opposer foi et raison, les Constitutions d’Anderson invitent chacun à une réflexion approfondie et éclairée sur la place des valeurs et de la spiritualité dans l’existence.
Le Contexte Historique:
La franc-maçonnerie s'est développée dans un contexte de bouleversements politiques et sociaux en Europe, particulièrement en Grande-Bretagne. Les idéaux défendus par les Constitutions d’Anderson s’inscrivent donc dans un mouvement plus large de transformation des sociétés occidentales.
Les Lumières et la Raison : Le XVIIIe siècle marque l’émergence d’une pensée fondée sur la raison, qui remet en question les dogmes établis tout en prônant la tolérance et la liberté de conscience.
La Glorieuse Révolution et la Monarchie Constitutionnelle : En 1688, l’Angleterre connaît un changement radical avec la mise en place d’une monarchie constitutionnelle qui renforce la primauté du droit sur le pouvoir absolu.
La menace jacobite et la succession hanovrienne : La franc-maçonnerie s’est alliée à la monarchie hanovrienne contre les prétendants catholiques au trône, contribuant ainsi à la consolidation des valeurs de tolérance et de rationalisme.
La persécution des minorités religieuses : En France, la révocation de l’Édit de Nantes a entraîné la persécution des protestants huguenots, renforçant l’idée que la liberté de conscience est un droit fondamental.
Ainsi, en intégrant ces principes dans ses enseignements, la franc-maçonnerie a cherché à répondre aux préoccupations de son temps. Toutefois, cet engagement ne doit pas se limiter aux murs du temple.
Un autre aspect nécessaire de l’enseignement maçonnique réside dans la chaîne d’union, un rituel qui symbolise la fraternité et l’unité entre les membres de la loge. En se tenant les mains et en formant un cercle, les maçons expriment leur solidarité et leur engagement commun envers les idéaux de la fraternité universelle. Cette chaîne ne se limite pas au temple : elle représente aussi un engagement à répandre, dans le monde profane, les valeurs acquises lors des travaux maçonniques.
Cette dynamique de transmission est essentielle : le travail initiatique ne peut se réduire à un exercice introspectif. Il s’agit d’un engagement à faire rayonner, dans toutes les sphères de la société, les idéaux de progrès moral et spirituel. C’est dans cette continuité que s’inscrit la réflexion sur l’éthique individuelle, prolongeant ainsi la tradition maçonnique au-delà du temple.
Approche de l’Éthique Personnelle : L’Influence de Spinoza: Le Traité de l’éthique de Spinoza offre une perspective complémentaire sur la morale et le développement personnel, mettant en avant deux concepts fondamentaux :
Le bonheur comme finalité de l'existence : Contrairement à une morale imposée de l’extérieur, Spinoza considère que la véritable éthique repose sur une compréhension rationnelle des lois de la nature et des passions humaines. Il ne s'agit pas d'obéir aveuglément à des principes, mais d’agir en fonction de ce qui favorise notre épanouissement. Le dynamisme intérieur : L'individu est mû par un élan vital qui le pousse à rechercher ce qui lui est bénéfique. Cette force intérieure, appelée "conatus" par Spinoza, est l’expression de notre puissance d’agir et de notre désir de persévérer dans l’être. La raison et la liberté : Plutôt qu'un simple rejet de la religion, Spinoza prône une spiritualité rationnelle, où l’homme éclairé se libère de la peur et de l’ignorance pour atteindre une forme de sagesse et d’autonomie intellectuelle.
Conclusion :
Immanence et Rémanence
Les Constitutions d'Anderson sont un texte pivot qui reflète les idéaux de leur époque tout en proposant une réflexion intemporelle sur la moralité et la tolérance. Elles inscrivent la franc-maçonnerie dans un mouvement de progrès et d'élévation intellectuelle.
Dans cette perspective, la distinction entre l’immanence et la rémanence prend tout son sens. L’immanence désigne ce qui est intrinsèquement présent dans l’expérience humaine, ce qui réside en nous et se manifeste à travers nos actes et notre réflexion. Ainsi, les valeurs maçonniques ne sont pas extérieures ou transcendantes, mais bien ancrées dans l’action quotidienne et dans la transformation personnelle.
En parallèle, la rémanence renvoie à la persistance et à l’influence durable d’un enseignement ou d’une idée, même après qu’elle a été transmise. Les enseignements maçonniques ne disparaissent pas une fois la loge quittée, mais continuent à imprégner la pensée et à structurer la société au fil du temps. Tout comme les lumières d’un temple continuent de briller à travers ceux qui les ont reçues, les valeurs maçonniques se doivent d’être perpétuées audelà du cadre initiatique, éclairant ainsi le chemin de nouvelles générations
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