Vigilance et persévérance (12/03/6025)
Si les épées présentes dans nos rites s’ouvrent à une même réalité physique elles n’agissent pas dans une égale dimension quant à leur portée symbolique. A la voute d’acier protectrice répond la menace de celle portée au cœur de l’impétrant, la flamboyante de l’orient darde en tous sens ses rayons à partir de celui du VM :. Et si celle du couvreur est une charnière entre le parvis et le temple, tournée vers la terre comme revenu en lui, celle de l’expert au sens contraire perce la voute céleste en y collectionnant les étoiles assurant aux frères la conservation des caps à maintenir afin que la tradition soit correctement préservée. La vertu d’une chose résulte d’un ordre infus en elle, c’est cet ordre que respectent les ouvriers pour obtenir une œuvre belle et bien faite et c’est à cet équilibre de même nature que l’univers doit son nom de cosmos. (Gorgias/ Platon)
De l’épée au chevalier il n’y a qu’un pas, il est question d’ordre là aussi. A la suite de Cicéron, l’humanisme classique des 15e et 16e siècles a fait de l’exercice des vertus la condition nécessaire afin que l’homme accède à son humanité. Prudence, Justice, sagesse, tempérance, les quatre vertus cardinales l’élèvent au-dessus de la barbarie et le rendent digne de participer au gouvernement de la cité. Loin de concourir au fatras des mémoires accumulées d’Arthur et de Charlemagne ni d’aucune autre survivance d’ordre templière en passant par l’Ecosse, force est de constater que la présence de l’inscription « Vigilance et persévérance » dans le cabinet de réflexion, interloque par sa résonnance qui n’est pas sans rappeler l’énoncé d’une noble devise.
Néanmoins, comme pour y revenir, au chevalier sa légende (etym. Latin de legandia- ce qui doit être lu « entre réel et merveilleux ») ; Cette impération, cette prescription (?!) est dite parfois inscription (def : Ensemble de caractères écrits ou gravés pour indiquer une destination etc.) ou bien banderole (def : petite bannière) et parfois plus précisément, phylactère, (def : Amulette, talisman, dans l'Antiquité grecque -Tefillins chez les juifs …
Arrivés à ce stade, entre mémoire gravée et amulette « vigilance et persévérance » nous frisons la frontière du mantra. (Mantra qui n’est rien d’autre qu’une formule sacrée dotée d'une portée spirituelle)
« Vigilance et persévérance » sont des mots subordonnés, par le premier on entendra être requise une surveillance attentive et sans défaillance à laquelle est hiérarchisée une action volontaire. A l’immobilité sans faille du marbre des statues réponds le bruit du ciseau du sculpteur il ne s’agit pas là d’un paradoxe mais d’un paradigme dont la cause et l’effet se trouvent réunis dans une conjugaison certaine.
C’est ainsi que, en harmonisation, s’allient la précaution, la préoccupation, le zèle, la diligence à la constance, la fermeté, l’opiniâtreté et à la volonté pour une substance en évolution, une transmutation suspendue, un arrêt sur image qui donne à voir ses entrailles dans l’attente d’une réaction chimique attendue, espérée mais nécessaire à la réalisation de cette étape sur le chemin de l’œuvre.
Mais que l’on ne s’y méprenne pas, l’alchimie est un mythe, un mythe composant de notre gravité humaine spéculant sur le chemin de l’inaccessible, un mythe qui participe à notre entendement du mystère, un filtre nécessaire devant l’effroi de l’incommensurable et s’émaille d’outils symboliques nécessaires à sa construction possible. Le mythe ne cherche pas la vérité du monde extérieur il envisage exclusivement la vérité du monde intérieur, sa légalité n’est pas - comme celle des mondes extérieurs - un fait réel : Elle est un idéal à réaliser (Paul Diel)
Ce monde intérieur possède une dimension temporelle qui ne peut être représentée que par l’image d’une figuration spatiale. Dans ce monde intérieur, tout est fuite à travers les dimensions du temps : le passé, le présent et le futur, n’en déplaise à Einstein (le temps n’existe pas- théorie de la relativité) il est maintenant question d’affectivité, de mémoire, d’imagination et d’intuition. Ce ci- présent n’est qu’une fuite incessante du passé vers le futur, des résidus partiels vers une obtention d’efficacité prévoyante à la nécessité de les organiser et l’homme qui aurait réussi à les harmoniser, dans un temps homogène entrerait pour ce temps dans le cosmos.
Vigilance et persévérance ne se constituent pas comme au sortir du sommeil, mais dans une répétition aussi nécessaire que sa canne l’est au maitre des cérémonies et le soleil au point du jour.
A l’image de ce phylactère devenu qualité manipulable (de manipulas : la poignée de blé ensemencière) s’agrège en trinité deux autres symboles que sont le coq et le sablier. La vigilance comme processus d’éveil de la conscience (le coq au point du jour, la promesse) possède une temporalité propre (la représentation spatiale du sablier).
Par rapport à la temporalité du présent vivant (le cabinet de réflexion), la temporalité vigilante se caractérise par sa délinéarisassion (le rituel de midi à minuit). L’éveil n’est pas simplement l’amorce de l’attention mais une phase initiale ensuite relayée par d’autres phases dynamiques et continues d’éveils associatifs et persévérants (l’assiduité au travail) qui progressent ainsi vers le futur et c’est la fécondité de ces associations, leurs successions qui s’entrelacent en un nouveau devenir, en un réveil incessamment sollicité et dynamique en réactivations réitérées qui caractérisent avec force et vigueur la « vigilance et persévérance ».
Nos rituels ne sont pas avares de productions répétées en d’autres formes mais dans un commun esprit, c’est ainsi, en exemple, que cette combinaison du binaire dans le ternaire se voit d’être remise en jeu dans la marche de l’apprenti qui me fait écho là ; Au pied gauche, côté cœur répond l’affermissement du pied droit celui de la raison, en équerre, et ce, trois fois répétées, vers ces trois marches qui nous séparent d’une montée assurée vers l’orient,
Si le prix à payer en est connu d’avance, c’est au capital de nos salaire accumulés que nous en devrons l’économie.
Cœur et raison, volonté et rectitude, vigilance et persévérance.
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12/03/6025