7 ans et plus (26.10.6022)
Dans l’instruction au 3ème degré, en réponse à l’âge du Maître (7ans et plus), il est précisé : le nombre Sept symbolise la Connaissance, « Et plus », indique que cette Connaissance doit s’accroître indéfiniment. Les mots ont leur importance et Connaissance est écrit avec une majuscule ; autrement dit, il s’agirait de la connaissance pure qui dépasse les apparences ou les illusions. Kant, dans sa Critique de la raison pure nous apporte quelques éclaircissements. Pour ce dernier, notre esprit se meut dans la apparences « phénoménologiques » qui reflètent et manifestent la réalité « nouménale » de tout ce qui existe et qui entre en rapport avec lui. Pour être plus clair, le noumène désigne ce que la chose est en elle-même, dans sa réalité et sa nature les plus profondes. Le phénomène, lui, n’est que la manifestation de cette chose lorsqu’elle entre en relation avec un observateur extérieur. Kant en conclut que, puisque l’homme est extérieur à toute chose, il ne peut en avoir qu’une connaissance phénoménologique faite d’apparence, de représentation et d’interprétation. Dès lors, comment peut-on prétendre atteindre la connaissance de la réalité nouménale ? Tel est l’enjeu du chemin initiatique dans lequel nous nous inscrivons.
La marche du Maître est symbolique de la progression vers la Connaissance. Tandis que les pas de l’Apprenti et du Compagnon se font au ras du sol, ceux du Maître, enjambant le corps d’Hiram décrivent une courbe qu’on trace avec un compas : c’est donc le passage de l’équerre au compas, du domaine du tangible à celui des idées. Enfin, le passage du maître par-dessus le tombeau fait allusion aux plus grands mystères, sur lesquels il convient de méditer en silence. Il n’y a d’ailleurs pas sept pas mais huit. On peut même envisager un 9ème mouvement avec le signe d’horreur et d’exclamation mais c’est bien le huitième pas qui nous permet de dépasser le tombeau. Nous pouvons également noter que le tombeau mesure symboliquement 7 mètres de longueur et que nous sommes invités à franchir ces 7 mètres avec la marche du Maître.
C’est donc en méditant sur les plus grands mystères que l’on avance vers le chemin de la Connaissance. Il est donc nécessaire d’interroger le chiffre sept comme porteur de mystère.
Le 7 est un chiffre ambivalent. Il recouvre à la fois les 7 vertus de la théologie scolastique, à savoir les 4 vertus cardinales (Prudence, tempérance, Force et Justice issue de la philosophie antique) et les 3 vertus théologales (Foi, Espérance et Charité) mais également les 7 péchés capitaux (Orgueil, Avarice, Jalousie, Colère, Luxure, Gourmandise, Paresse). Représentants à la fois le bien et le mal, vertus et péchés représentent le moteur du monde. Nous retrouvons cette image dans le tarot médiéval où la carte n°VII est le chariot, symbole de mouvement. Ce chariot est guidé par deux chevaux : l’un est blanc, l’autre est noir. Cette symbolique est certainement bien antérieure au moyen âge si l’on se rapporte à la genèse : 7 jours qui ont permis la création du monde. Le miroir de la création du Monde est l’apocalypse où le 7 est omniprésent. Nous savons également que certains cultes à mystère reprennent le 7. L’initiation mithraïque comprenait ainsi 7 degrés dont le dernier correspondait au grade de « père », celui qui a en charge sa famille initiatique. Le chiffre 7 n’est cependant pas un totem magique mais un symbole de base qui entraîne et permet le mouvement. Le 7 établit, fonde, organise. C’est d’ailleurs en ce sens qu’il faut comprendre l’organisation de la loge : 3 l’éclairent, 5 la dirigent et 7 la rendent juste et parfaite.
On peut également envisager le chiffre 7 comme un cycle. Comme nous l’avons vu précédemment 7 correspond à la fois à la création du monde qui ouvre un premier cycle mais également à l’apocalypse qui en ouvre un autre, celui de la vie éternelle. Chez les égyptiens, c’est un escalier à 7 marches que les morts devaient gravir avant de comparaître devant Isis et Osiris pour la pesée de leur âme et espérer la vie éternelle. Le 3ème degré ouvrirait donc un nouveau cycle, un cycle où le compas prend le pas sur l’équerre. Nous passons de la matière symbolisée par l’équerre à celui des idées, ce qui nous ramène à la marche du Maître et aux cercles que nous décrivons au-dessus du tombeau. C’est également l’image des marches qui conduisent à la chambre du milieu, une spirale formée autour d’un axe central de 3, 5 puis 7 marches.
Bien entendu, qui dit cycle dit que l’on doit aller au-delà du 7.
Sept établit, fonde, organise ; Huit consolide, préserve, stabilise ; Neuf est le dernier nombre simple, celui de l’accomplissement. En effet, dans la marche du Maître, le 9 correspond au signe d’horreur et l’exclamation. Lors de l’exaltation à la maîtrise, cette exclamation est prononcée lorsque le T :.V :.M :. reconnaît la dépouille de Maître Hiram qui repose sous l’acacia. Le 9 correspond également à la triple batterie du 3ème degré qui rappelle la batterie de deuil : Gémissons, gémissons mais espérons. Pour reprendre Oswald WIRTH, le 9 correspond à « l’acte accompli et sa répercussion permanente ; l’expérience du passé, semence de l’avenir ». Certes, nous avons perdu les mots véritables et les plans du temple mais il faudra continuer l’œuvre. Dans le tarot médiéval, la carte n°IX correspond à l’Hermite, autrement dit le sage. « C’est avec les lumières du passé que l’on se dirige dans l’obscurité de l’avenir » : dans nos rituels, cette phrase est prononcée lorsque le compagnon entre à reculons dans le temple, observant l’étoile flamboyante qui s’éloigne.
Les 5 points de la Maîtrise nous donnent la conclusion de ce cycle. Points contre points, nous voyons que se forme une union. Elle combine les pôles énergétiques de deux corps qui se maintiennent l’un l’autre, comme dans une spirale ascendante appuyée sur la terre pour mieux s’élever.
Au second degré, nous avons pu envisager la richesse du chiffre 5. Ainsi, pour les pythagoriciens, il s’agit de l’équilibre, du centre de l’union, de la croisée de la verticale et de l’horizontale. Selon la Kabbale, c’est le souffle de vie qu’il a en lui, le He. Avec le 5, nous sommes à mi-chemin. L’association des deux maîtres procure 10 points d’appui, 2x5. Le 10 marque la fin de la première série décimale ; il est l’aboutissement avant le démarrage d’une nouvelle série. Les initiés pythagoriciens et kabbalistes connaissaient le Tetraktys et le Sephiroths, figures en 10 points symbolisant l’univers et la perfection, une image unitaire et organisée d’un monde harmonieux, opposée au chaos, le « Royaume ». Etre initié au nombre 10, c’est accéder à l’étape ultime avant qu’un nouveau chemin se dessine, celui de l’augmentation perpétuelle de la Connaissance pour accéder aux grands mystères.
7 ans et plus, c’est donc s’interroger sur ce qui fonde la Tradition, les grands mystères de l’humanité. Ils sont porteurs de messages qui doivent nous permettre de reconstituer l’unité première de l’humanité et bâtir l’avenir. Si la construction du Temple est inachevée, les plans perdus, notre devoir est de chercher et d’entrer sur les chemins de la sagesse pour continuer l’œuvre. Des mythes ancestraux, des légendes, des livres sacrés, nous devons nous efforcer d’extraire le sens caché.
D:.C:.
26 octobre 2022