Gilgamesh, Salomon et l'architecte
La Mésopotamie est en amont de notre culture, l’Egypte est fille de la Mésopotamie. Agriculture, architecture, mythes, tout cela provient du Tigre et de l’Euphrate. En Irak aujourd’hui la situation est désespérée. En nous souvenant de ce que nous devons à la Mésopotamie, nous devrions penser autrement à ce qui se passe aujourd’hui.
Corollaires de la guerre : les musées ont été pillés et des objets volés sont aujourd’hui vendus chez des antiquaires à New York (et ailleurs). De cette civilisation le Louvre détient environ 7000 objets, dont le code d’Hammourabi.
Longue citation de Jung :
« Les légendes ont remplacé les outils rationnels […]
La légende ésotérique est une composante de la Tradition […]
On ne fabrique pas un symbole, on le découvre »
La civilisation commence au 6ème millénaire av. J.C., vers 3200 apparaît l’écriture. Ce sont les Sumériens qui sont à l’origine de celle-ci. Abra(ha)m serait né à Ur (Genèse 15, 7). Le code D’Hammourabi est daté de 1770 av. JC. La transmission va se faire via les Perses : les Achéménides (vaincus par Alexandre en 339 av. JC.), puis au début de notre ère via les Sassanides (du IIIe au VIIe siècle). L’influence du Proche Orient et de Mésopotamie, dans l’Antiquité s’étend en Egypte et de là vers la Grèce, puis Rome, d’où elle nous viendra. Dans un deuxième temps, au Moyen Âge, l’apport grec nous vient d’Orient via l’Andalousie.
I) Gilgamesh, sumériens et akkadiens. Quelques emprunts :
La Bible présente souvent de manière assez partiale les Assyriens, comme les Egyptiens (tour de Babel, déportations des Juifs à Babylone (597… victoire de Nabuchodonosor II), La tour de Babel est une ziggourat (échelle de Jacob dans la Bible).
Bible : l’épopée de Gilgamesh, roi d’Uruk (Irak) concentre la plupart des mythes fondateurs, on y trouve ainsi le prototype du mythe de Noé (déluge, arche), le meurtre rituel. Cet aperçu sur le déluge date d’environ 2200 av. JC. L’arche ici a 7 étages (celle de Noé 3 − cf. Genèse 6, 11-17), elle est calfatée de bitume (évidemment courant dans cette région). Premier étage : constellations australes, deuxième constellations entre Tropique du Cancer et du Capricorne, troisième constellations arctiques, toit les deux ourses célestes. Quant à l’homme, selon les Mésopotamiens, il a été façonné avec de l’argile.
Mythes grecs : On peut évidemment penser au mythe de Persée qui calque ses héros sur l’épopée de Gilgamesh. On trouve aussi une histoire d’enfant dans un coffre (comme Œdipe), et l’accident de char où Œdipe va tuer son père fait aussi écho à des mythes de renouvellement de la nature comme dans Gilgamesh. Héraklès « est un clone de G. ». 6 travaux pour le cycle de l’ombre et six travaux pour le cycle de la lumière, les 12 travaux justifiant la royauté. Enkidu a des échos dans le mythe d’Orphée.
Christianisme : Saint Georges est lui un « clone » de Marduk (Mardochée). L’affrontement avec le dragon existe déjà aussi en Mésopotamie puisque Marduk tue Tiamat qui est un dragon (4000 av. J.C.), on le retrouve Léviathan (Bible), en Laocoon, hydre de Lerne chez les Grecs.
Islam
Droit : Les 282 décrets du code d’Hammourabi (au nom de Shamash, dieu du soleil et de la justice) vont servir à définir les droits de la femme dans l’islam : ainsi la dot payée par le fiancé, ou le droit d’une femme d’administrer ses biens.
Architecture :
Le minaret abbasside de la ville de Samarra hélicoïdal , que l’architecte Jean Nouvel a symboliquement inséré dans le bâtiment parisien de l’Institut du Monde Arabe , et que le gouverneur abbasside en Egypte reproduisit dans la mosquée Ibn Touloun ( au Caire ) , rappelle le style architectural ( et sa fonction ) des ziggourats mésopotamiennes .
Calendrier : au départ lunaire, mais vers 1500 on passe à un calendrier solaire. Le jour d’observance religieuse est " shabatu ".
Numération : base sexagésimale (1-6-60-360, etc.) et positionnelle (361 : 1 signe dans la colonne droite et six signes dans la colonne gauche), (utilité : pensons à la trigonométrie, au décompte de l’heure etc.)
Ecriture, lexique : L’écriture commence aussi avec les Sumériens. Elle fut d’abord pictographique puis cunéiforme. Le lexique akkadien a emprunté des mots au sumérien, mais l’akkadien est une langue sémitique. Nous avons aujourd’hui des minéraux et des végétaux dont les noms nous viennent du sumérien : gypse, naphte, jaspe, mine (de sel), sequin, cumin, safran, semoule. De nombreux prénoms nous viennent aussi de Mésopotamie, via l’araméen : Benjamin, Anne, Daniel, Emmanuel, Marthe, Pierre, Marie, thomas, Esther... Le plus ancien est Suzanne (qui veut dire le lys).
Dieux et déesses : Shala, épouse d’Hadad (dieu de l’orage, de l’éclair) tient en ses mains un shoboulton (épi d’orge, schibboleth). Elle est devenue Ata, vierge ailée avec un épi. On retrouve Athéna avec les mêmes attributs.
En Égypte on retrouve l’image de l’abîme primordial (Noun) d’où émerge un monticule (Atoum Ka à Héliopolis). Le rôle de la pluie (Tefnout est fille d’Atoum) est primordial alors qu’il ne pleut pas en Egypte (à la différence de l’Assyrie) marque aussi une probable influence.
L’héritage se retrouve aussi dans la construction en trois parties du temple de Jérusalem, via les trois parties du temple égyptien (en Syrie de même), et jusque dans certaines églises orientales (espace pour les catéchumènes, les fidèles baptisés et l’iconostase).
Isis et Marie tiennent de la même manière leur enfant dans les bras. La représentation d’Horus harponnant un hippopotame évoque de même des sources mésopotamiennes.
Le monothéisme a été emprunté à l’Égypte.
II) Le mazdéisme, Zoroastre
À l’ouest de la Mésopotamie, l’Iran, pays des aryens, du mazdéisme, du zoroastrisme – qui fut la religion des Achéménides et des Sassanides. Il y a encore environ 200 000 fidèles de cette religion (dont 100 000 aujourd’hui en Inde). Si l’on a des textes mazdéens on n’a aucun texte de Zoroastre. Comme celle de Salomon, son existence est aujourd’hui contestée. Il s’agit peut-être d’un mythe, mais Zardoucht (nom persan) aurait vécu de 660 à 583 av. J.C, serait né en Bactriane (Balkh, Afghanistan actuel), et il eut une grande influence. Il eut une vision et décida de prêcher sa réforme du mazdéisme. La classe sacerdotale s’opposa à lui, il trouva refuge auprès de Vishtapa et il aurait été tué à 76 ans par un nomade touranien (turc, venu de l’Altaï).
Il a prêché sa réforme d’abord dans l’espace iranien ou « aryen » (dans l’actuel Ouzbékistan puis Kurdistan, etc.). Une de leurs tribus est « les Mages » (prêtres, d’où vient l’idée de Zoroastre comme légende mythique ayant servi à la formation de ceux-ci).
Nous trouvons dans cette religion l’importance majeure du feu, de la lumière. Tout homme sert le grand dessein cosmique et doit aider Dieu à vaincre le mal, mais le Mal est nécessaire car il permet après de longues souffrances le retour à la divinité. Le Dieu du bien, crée le monde par la pensée. Ahura-Mazda (qui n’est pas responsable du mal) crée le monde physique pour s’opposer à Ahriman (en tirant le mal hors du monde spirituel), et les hommes l’aident.
Vers l’Inde :
La contrée entre Iran et Irak, ex oriente lux,
Abîme primordial, les Sumériens passeront leur mythe de l’abîme d’où émerge une montagne, à la civilisation Araja (environ 3000 av. JC) qui la passeront aux Upanishad (environ 1800 av. J.C.). Le monde est d’abord aquatique (4500 av. J.C.) XX combat avec Kur, dieu du monde infernal. L’homme a été créé pour rendre un culte aux dieux et subir le châtiment de leurs fautes originelles.
Marduk-Tiamat : nous retrouvons l’eau encore aux premiers âges du monde. Dans le Rig Veda Indra éventre les montagnes et libère les eaux.
Bible :
C’est après l’exil à Babylone (597-538 av. J.C.) que des thèmes mazdéens apparaissent : vie après la mort, fin des temps, angélologie, chérubins (Rois 5-32) gardant le debhir (saint des saints) du Temple de Jérusalem (alors que toute image d’êtres vivants est interdite).
Le thème du juste souffrant se retrouve dans Job.
Le songe de Jacob, l’escalier qui monte de la terre aux cieux, rappelle les fonctions mêmes des ziggourats. Gilgamesh réapparaît comme Eresh dans la Bible.
Genèse (I, 2)« Les ténèbres couvraient l’abîme, un vent de Dieu tournoyait sur les eaux. ». (I, 6-7) « Dieu dit ; « qu’il y ait une étendue entre les eaux, et qu’elle sépare les eaux d’avec les eaux »
Le thème du Déluge vient-il d’une rupture de la mer Noire ? (10 000 av. J.C.) Kish ou Ur ont également eu des inondations énormes. Une partie de la Mésopotamie est aujourd’hui sous les eaux du Golfe persique, et compte-tenu de la situation dramatique de cette zone, ce n’est pas ces temps-ci qu’on pourra faire des fouilles sous-marines.
Christianisme :
Zoroastre et Jésus :
-
La légende des trois rois mages (mage en persan veut dire prêtre) est marquée par le mazdéisme. Les Mages étaient une tribu de prêtres mazdéens (turcomanes).
- Zoroastre serait né d’une mère vierge. Jeune, il aurait confondu les docteurs de la loi. Il aurait quitté sa mère à trente ans pour partir prêcher sa réforme et a été surnomme le bouvier (pasteur du troupeau). Son visage resplendissait.
- L’Évangile de Jean fait écho aux concepts mazdéens : « La lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont point reçue » (1. 5). « La lumière était dans le monde, et le monde a été fait par elle, et le monde ne l’a point connue » (1. 10).
Zoroastrisme, mithraïsme et manichéisme
Le dualisme a influencé peut-être certains philosophes grecs. Le mithraïsme (qui fut concurrent du christianisme) en porte aussi la marque. La naissance de Mithra était célébrée le 25 décembre, et ses disciples partageaient le pain et le vin. Le seizième jour du mois, et le septième mois de l’année lui étaient consacrés.
Le mazdéisme est à l’origine du manichéisme, mais ces deux religions ne sont pas identiques. La doctrine de Mani veut réunir des données de plusieurs religions. Mais il affirme que Dieu a créé à la fois les ténèbres et la lumière. Mani (216-277), ne fait pas de pronostic, il dit qu’à la fin des temps l’homme pourrait être vainqueur sur les ténèbres. Pour que le bien triomphe du mal, l’homme doit faire gagner en lui sa part de lumière.
Manichéisme : Bogomiles, cathares etc. et tout le courant négativiste dans la philosophie découle des doctrines de Mani Dans la crainte que le mal ne l’emporte sur le bien, il faut que l’humanité s’arrête, d’où le refus de procréer des cathares par exemple.
Islam :
Le manichéisme se retrouve aussi dans le Coran. Dans les dernières sourates (prophylactiques) il est écrit : « Dis: Je cherche protection auprès du Seigneur de l’aube naissante contre le mal des êtres qu'Il a créés, contre le mal de l’obscurité quand elle s'approfondit » (sourate 113)
Dans son ouvrage Le Coran, la Bible et l'Orient ancien, Mondher Sfar s’appuyant sur Bottéro montre le rapport entre les versets coraniques et un poème mésopotamien. Allah y est présenté comme un monarque mésopotamien.
Iblis (al shaytan : Satan), nous dit le Coran a refusé que l’homme soit créé. Contrairement aux autres anges, il refuse de saluer sa création. « Je suis meilleur que lui, tu m’as créé de feu, tu l’as créé d’argile ». Il est chassé du paradis. Déchu, il obtient un délai pour pouvoir s’occuper des hommes et les tenter, à l’exception des plus fidèles.
Des bas-reliefs achéménides près de Persépolis montrent des souverains protégés par des anges ailés.
Un mouvement mystique se référant à Sohrawardi (syncrétisme islamo-mazdéen, cf. Corbin) est aussi marqué par la cosmogonie de Zoroastre.
Et influence via l’Islam sur le christianisme :
Certaines églises carolingiennes, ainsi celle de Germigny-des-Prés dans le Loiret, reproduiront l’église zoroastrienne. L’influence sassanide se retrouve au Puy (pierres blanches et noires comme les mosquées des Omeyyades), évoquent la lutte entre bien et mal). Nous leur devons aussi la figuration des anges avec des ailes, et ce, via les chérubins du Temple de Jérusalem.
Les Mésopotamiens avaient une curieuse relation aux dieux. En fait ils faisaient des sacrifices aux dieux pour que ceux-ci ne s’occupent ni d’eux ni de leur famille, pour les tenir à distance.
III. Présence salomonienne en Loge bleue.
La Franc-maçonnerie a emprunté nombre de ses mythes à l’Orient ancien. Elle a aussi puisé dans l’organisation des corporations (cf. Louis Massignon et ses recherches à Bagdad), lesquelles ont été aussi marquées par ce qui existait en Islam.
Quand on construisait des cathédrales on demandait aux Apprentis de reconstruire le temple de Jérusalem. Dans le « livre des Rois » on a déjà les outils de la maçonnerie : règle fil à plomb etc.
Dans le tableau de Loge il y a 15 marches (réduites à 3 pas), nous avons les deux colonnes J et B, les grenades (multiplicité des principes composant l’homme). Salomon, Hiram, Hiram Abi (5- 28) président à la construction du Temple.
Le Temple est composé en 3 parties : oulam, hekal, debir. Le pavé mosaïque était sur le perron devant le temple.). (Rois 5-17)
La taille des pierres se faisait ailleurs (Rois 6 -7). ). On équarrissait à l’extérieur du Temple. (Rois 5 -32. Dans le passage, le pro-fanum (pro-fane), les ouvriers de Salomon, ceux d’Hiram et les Giblites (ceux de Byblos) équarrissaient et façonnaient le bois et la pierre.
Salomon est présent dans le rituel maçonnique, il est l’homme sage, exemplaire et bâtisseur qui va chercher Hiram (Rois 5) (qui apparaît très tôt dans les légendes des bâtisseurs : dès 1131). La question de l’existence réelle de Salomon a été posée. Est-ce un mythe ? Qu’il ait ou non existé, il représente la sagesse, la connaissance, le discernement, l’esprit de tolérance avec les autres religions (il accepta des cultes différents du sien), et il fut un bâtisseur. De nombreux mythes et légendes racontent aussi l’histoire d’un architecte bouc émissaire : celui de Sainte Sophie a été décapité, comme celui de Pithiviers etc. On trouve ce thème dès 1500 av. JC en Égypte, il a probablement été rapporté par les Hébreux travaillant là-bas. La légende de l’assassinat de Zoroastre, comme celle du petit fils de Mahomet lui font écho. Le temple a été détruit à plusieurs reprises.
Notre métalangage vient à 80% de l’hébreu (Bible, Zohar, Kabbale). Ouzé veut dire « c’est lui » (le dieu que l’on ne nomme pas, « ou » = « Ua » lui. Salomon est aussi présent dans l’iconologie chrétienne, ainsi au portail de la cathédrale de Reims. Il est cité dans le coran.
Zoroastre réapparaît à un moment de notre remontée vers la lumière (Jean-Baptiste, Yah Yah dans le Coran, et Jean l’évangéliste pour le solstice d’hiver).
De l’Islam à la Maçonnerie :
Les confréries de l’islam mystique sont basées sur des corporations de métiers, d’origine persane. Salman el farisi (Salman le persan) compagnon du prophète, est le troisième de la triade Mahomet, Ali (son gendre) et lui. Pour les ismaéliens c’est le personnage le plus important bien que le plus obscur. C’est le barbier de Mahomet, il est maître des poils, des cheveux (on sait que se rendre maître des cheveux de quelqu’un permet d’agir magiquement sur lui). Le prophète a donc toute confiance en lui. C’est à lui que l’on a attribué la création des corporations. Elles existaient sous les Sassanides. Elles travaillaient dans le secret, en relation avec le symbolisme, prônaient l’humanisme, la tolérance, le spiritualisme et parfois l’ascétisme.
Ces corporations pratiquaient des initiations.
- Ils possédaient des signes de reconnaissance et des mots de passe qui étaient transmis au moment de l’initiation.
- Une coupe d’eau salée devait être absorbée trois fois par le récipiendaire : dire vrai, voir vrai, devenir vrai.
- A la fin de la cérémonie d’initiation on leur remettait un pantalon bouffant, puis une cordelière, ceinture de tablier (shadd) ou un baudrier.
- Puis il y avait un banquet.
Le Livre des métiers d’Etienne Boileau (XIIIe siècle), étudié par Massignon, fait le lien avec les corporations d’Orient. Les corporations de métiers eurent une telle importance que nous retrouvons l’emblème de celle des bateliers (la corporation la plus riche) sur les armes de la ville de Paris. Des textes de 1250, 1283 reprendront des textes ismaéliens.
Les héritages sont en grand nombre (notamment architecte, apprenti, compagnon, instruments, personnages, lexique du rituel en Loge). Le tuileur (tuilier < teghere couvrir), attouchement (<tocare, >tocsin), le serment, la batterie.
Christian LOC:.
Notes prises par une S:. lors de la Tenue Commune à la GLFF
13 juin 6005