La Main

LA MAIN

 

 

 

Pourquoi ai je choisi la main comme sujet de ma planche ?

 

Lors de mon Initiation au grade de Compagnon, c'est les mains vides que j'avançai vers le cinquième cartouche se situant devant le Vénérable Maître et glorifiant le Travail tandis que je tenais dans mes mains dans les quatre voyages précédents divers outils ( Maillet, Ciseaux, Levier, Fil à Plomb,...).

Pourquoi les mains vides alors qu'au Rite Français le futur Compagnon tient une truelle ?

Comment se fait-il qu'au fur et à mesure que mes pensées fussent dans mon esprit, ma main les pose sur le papier ?

Mon esprit dirigerait-il ma main ?

Pour le sculpteur, ne serait-ce pas le toucher qui guiderait l'esprit ?

N'y aurait-il pas corrélation entre ma main et mon esprit ?

Et lorsque les deux auraient fusionné, mon intégration dans l'Etoile Flamboyante ne serait-elle pas effective ?

Voilà quelques réflexions qui ont guidé mon choix.

 

Il y a plus de Deux millions d'années, nos ancêtres Hominidés, s'individualisèrent de l'ensemble des primates par l'acquisition progressive de la station érigée debout "l'Homo Habilis", premier homme, espèce connue comme la plus ancienne du genre "Homo" faisait son apparition. Cette évolution eut pour conséquences essentielles :

" La libération de la main et sa transformation ", (Le pouce s'écartant des autres doigts permettant une meilleure préhension des objets.), puis corrélativement, le développement du cerveau et l'émergence de la pensée conceptuelle :

" Dialogue du Cerveau et de la Main ".

 

Ainsi naissait le " TOUCHER ", sens plus particulièrement développé chez l'homme que chez les autres êtres organisés.

 

A la naissance, le bébé a les poings fermés, comme s'il tenait fort à cette vie qui vient de lui être donnée. Puis par le contact des lèvres, des mains, des doigts sur la poitrine de sa mère, il organise autour de la tétée ses premières perceptions de l'autre.

Plus tard, des "ne touche pas à ceci,... ne touche pas à cela,...c'est mon petit doigt qui me l'a dit…", jalonnent notre enfance.

Adulte, nous nous mettons en contact avec des Sociétés pour trouver un emploi et c'est souvent les mains moites ou tremblantes que nous attendons la réponse.

Un jour, nous allons demander la main de l'élue de notre cœur. Si la réponse est positive alors nous lui passerons l'alliance au doigt. Mais si la réponse est "non", " quelle claque " et c'est peut être dans deux doigts de whisky que nous irons noyer notre chagrin!!!

Finalement, la vie nous filant entre les doigts, un jour, c'est cette même main, définitivement ouverte que nous tendrons vers nos Frères passés à l'Orient Eternel, pour les y rejoindre.

 

La main c'est le premier outil de l'homme, le plus souple, le plus pratique, le plus fragile aussi. Modifiable dans sa forme et dans sa force, elle sait toucher, palper, prendre, donner, saisir, caresser, serrer, maintenir, agripper, frapper, jeter...mais aussi informer, faire des signes, dessiner, écrire des lettres d'amour mais aussi des déclarations de guerre...Elle peut être fermée, ouverte, tendue, jointe. Dans chacune de ses positions, elle a un sens et je reviendrai sur certains d'entre eux.

 

On la trouve peinte, dessinée sur les murs des grottes préhistoriques.

Dans l'Egypte ancienne, elle servait d'unité de mesure avec le doigt comme unité.

" Les deux mains dressées la paume en avant (passis manibus) sont un geste de supplication ", nous dit Jules César dans la Guerre des Gaules.

Au Moyen Age, la main de justice fut l'insigne de la monarchie royale.

Pour les Maîtres d'Oeuvres, elle servait aussi d'unité de mesure ; le pouce, la palme, l'empan, la coudée...

Plus près de nous, je pourrais vous parler des "guérisseurs aux mains nues", les magnétiseurs, sans oublier les sourciers ou les adeptes du spirite Allan Kardec, qui encore aujourd'hui au Père Lachaise, imposent leurs mains, paumes à plat sur sa pierre tombale afin de recueillir ses vibrations...De la chiromancienne qui lit dans les lignes de la main, du chiropracteur, des mains du chirurgien...

 

Elles expriment quelque chose aussi dans toutes les religions du monde ;

Chez les Bouddhistes :

La main fermée est symbole de la dissimulation, du secret, de l'ésotérisme, la main ouverte c'est la représentation des différents états de l'être,

Chez les Taoïstes:

Elles ont un sens alchimique de coagulation, de dissolution,

Chez les Hindouistes:

Le symbolisme essentiel est celui des "mudra" (gestes de la main et en même temps l'attitude spirituelle qu'ils expriment et développent).

N'oublions pas non plus, les danses rituelles de l'Asie du sud que l'on appelle

"les danses des mains".

Dans la tradition biblique et chrétienne:

La main est symbole de la puissance et de la suprématie.

Selon la Kabbale:

La main gauche de Dieu est traditionnellement mise en rapport avec la rigueur et la droite avec la générosité.

Sur l'arbre séfirotique, l'une est mâle, soleil, active, Jakin et l'autre est femelle, lune, passive, Boaz, et ...réunies dans la prière, elles ramènent à l'unité.

Dans le Premier Testament quant il est fait allusion à la main de Dieu, le symbole signifie Dieu dans la totalité de sa puissance et de son efficacité.

La main de Dieu crée, protège :

 

"Nous sommes l'argile et tu es le potier.

Nous sommes tous l'ouvrage de tes mains. (Isaïe 64-7)"

 

C'est aussi la main que Job implore lorsqu'il fait appel à la paternité de son Dieu :

 

" Tes mains m'ont travaillé, elles m'ont fait, uni tout autour

et tu voudrais me détruire !

Souviens-toi que tu m'as façonné comme de l'argile." (Job 10-8.9)

 

J'ouvre ici une petite parenthèse pour vous donner mon explication personnelle de l'expression" La main de Dieu ".

Le mot hébreu "Yad" signifie à la fois main et puissance, mais l'initiale est la lettre "Yo " qui est aussi la première lettre du Nom du Divin Tétragramme " Yod Hé Vo Hé ". Serait ce donc la main de Dieu qui sculpte, taille, martèle nôtre être et le façonne pour devenir Lui, le Dieu que nous sommes en puissance.

Dans la Genèse n'est il pas écrit :

 

" Faisons les hommes pour être notre fidèle image

et Dieu créa les hommes en qualité d'image, comme image divine il les créa..."

 

Aujourd'hui encore dans les synagogues, pour ne pas toucher avec les mains les textes sacrés, l'on se sert d'une sorte de baguette en argent se terminant par la représentation d'une main fermée, index tendue, appelée "Yad".

 

Dans le Deuxième Testament, Paul ne retrouve t'il pas la vue par l'imposition des mains d'Ananias, disciple de Jésus ?

Pilate ne se lave t'il pas les mains du sort de Jésus ?

Lors de la Cène, le Christ lavant les pieds de ses Apôtres, n'est ce pas le symbole de l'humilité de celui, qui bien que Maître, se fait serviteur. Etc., etc.,...

 

Je vais maintenant vous parler de la Main..."Maçonne".

 

Pour nous, dans notre enseignement initiatique, le Toucher par la peau, les mains, les pieds revêt une grande importance.

Je me souviens encore aujourd'hui, de ces mains fraternelles qui lors de mon initiation ont dirigé mes pas hésitants, pieds tâtonnants qui remplaçaient ces yeux que j'avais perdus sous le bandeau ; ces mains ont su me transmettre leur bienveillance par des pressions fermes et rassurantes.

Au moment de ce que j'appellerai le "Sacre", de sa main gauche, main de l'affectivité, de la réceptivité, le Vénérable Maître tenait l'Epée Flamboyante, de sa main droite, main de la transmission, de la volonté, il tenait le Maillet, lui-même symbole d'autorité et d'effet continu.

Ainsi, par le Toucher, devenu geste sacré, il me "Créa, Reçu, Constitua" Nouvel Apprenti avant de me donner l'Accolade Fraternelle.

 

Puis suivit l'attouchement ; la demande du Mot Sacré que me transmit l'Expert...

 

Au cours de ma marche, j'exécutais des pas glissés plutôt que marchés, pas qui m'ont permis de garder avec la terre le contact sécurisant encore indispensable.

 

Pendant toute la période de notre apprentissage et bien au-delà, nous faisons appel au Toucher pour dégrossir, tailler et polir notre Pierre Brute, symbole de notre personnalité avec tous ses défauts. Aspérités rugueuses sous nos doigts...

 

Il nous appartient donc, avec les Outils que nous possédons, Ciseaux tenus de la main gauche, Maillet de la main droite, de sculpter notre Pierre, de la rectifier pour qu'elle soit la plus régulière et la plus irréprochable possible.

 

En faisant le signe d'Ordre, la paume de notre main droite plaquée sous la gorge, les quatre doigts serrés, le pouce écarté formant équerre, le tissu mince du gant nous permet de "sentir" les battements de notre cœur. A travers ce ressentis, le signe doit, symboliquement, nous aider à refouler les passions qui risqueraient de troubler notre esprit, et à faire régner en nous l'ordre intérieur.

 

Au moment de l'augmentation de salaire au Grade de Compagnon, lors du premier voyage, on attira mon attention sur l'importance des cinq sens pour la suite de ma démarche, de mon Travail.

Le premier Cartouche nous apprend que les sens sont des outils pour la Connaissance, Connaissance de soi et des autres, mais aussi Connaissance du Monde.

Ils sont par définition, les facteurs de notre intelligence, les agents de nos facultés, autrement dit, ils sont à la fois en amont et en aval de nos savoirs, savoir-faire et savoir être. Nous ne devons pas nous contenter d'en disposer, d'en user passivement mais il est de notre devoir de faire en sorte qu'ils puissent être au service de notre Idéal.

Nos sens sont au nombre de cinq :

Quatre, la vue, l'odorat, l'ouie et le goût sont localisés à la partie supérieure du corps, le cinquième, le Toucher, est réparti sur toute la surface du corps, il permet de connaître certaines propriétés physiques comme la forme, l'état, la température...

 

Mais la main, les doigts auraient-ils la possibilité de toucher s'ils n'étaient recouverts de peau ?

Les empreintes digitales n'identifient-elles pas l'individu ?

Force est de constater alors que nous touchons avec la peau, peau qui recouvre notre corps tout entier, telle une enveloppe, un tissu, une tunique. Par leurs terminaisons nerveuses, les nombreux récepteurs sensoriels qu'elle contient sont capables de capter diverses sensations et de la rendre sensible au contact, à la pression, à la sécheresse, à l'humidité...Les stimulis venants de l'extérieur sont transmis jusqu'au cerveau qui les analyse et qui répond.

 

Dans la découverte de l'environnement, le Toucher est aussi étroitement lié à la vision.

Si par un regard interrogateur, dur, pénétrant, on peut toucher du regard, l'Aveugle lui voit par le toucher. Il apprendra avec ses mains le Braille et le sourd-muet lui entendra par le langage des signes.

Les mains deviennent alors langage, vue, son.

Pour Annick de Souzenelle :

 

" Le toucher tel un radar, enregistre par la peau, par les mains,

les différentes informations du Monde à l'Etre

et retourne au Monde la vibrante expression de l'Etre ".

 

Cette citation illustre bien le rôle relationnel de la peau, instrument de communication dans une interaction entre notre Moi et le Monde. La main est donc, en quelque sorte, le médiateur physique de la Connaissance, de l'Action, de la Création. Elle permet aussi à l'homme de s'extérioriser ; conçue par l'esprit, l'œuvre d'art naît de la main, il est manifesté, du latin Manus : main.

 

Question:

"Qu'est ce qu'un chef d'œuvre ?"

 Réponse:

"C'est l'ouvrage qu'on a crée avec son âme, qu'on a conçu avec son cœur, qu'on a gesté avec son corps, depuis la peau jusqu'aux entrailles ;                                                         

Qu'on a vécu, qu'on a porté jusqu'au temps où comme un fruit mûr il est mis au jour par les doigts !"

 Question:

"Est ce très long à faire un chef d'œuvre ? "

Réponse:

"Des Générations entières le préparent, un homme, leur héritier, le produit."

Question:

"Que faut- il pour être cet homme ? "

Réponse:

"Ecouter la voix muette des Anciens, observer la Nature, se taire ".

 

L'enseignement de ce dialogue est très riche ; il s'applique bien à notre itinéraire de Maçon,

Fidèle à la Tradition et participant à la Création du Temple Idéal en suivant la méthode dictée par nos Aînés.

Nous voyons le rôle de la main créatrice et nous retrouvons cette signification dans beaucoup de métiers manuels ;

Le métier du tisserand, par exemple, évoque le geste primordial créant le Monde. La toile définie par la chaîne fixe et la trame mobile. Le potier, lui aussi symbolise le Créateur. Le travail du potier qui consiste à imposer une forme à une matière qui au départ en était absolument dépourvue. D'ailleurs une des traductions du nom hébraïque de Dieu est justement le Potier.

 

Lorsque l'on travaille de ses mains, on ne peut pas tricher sur son savoir-faire.

Travailler de ses mains, c'est méditer dans l'Action, se transformer en même temps que l'on transforme, se construire en même temps que l'on construit. Le sens de cette rencontre avec la matière est une initiation à l'union de nos trois centres :

 

L'Esprit qui conçoit,

L'Affect qui ressent,

Le Corps qui réalise.

 

Et c'est pour cela que dans notre Rite, lorsque après avoir fait nos quatre premiers voyages, nous faisons le cinquième les mains vides, aussi vides que l'est le Silence, pour Glorifier le Travail. Car c'est devant le plateau du Vénérable Maître, que se situe le dernier Cartouche et tous les Outils nous sont donnés pour que notre Esprit et notre main ne forment plus qu'une seule entité, entité qui intégrera l'Etoile Flamboyante, pour redevenir cet Adam avant qu'il ne soit chassé du Paradis...

 

Je ne peux terminer mon travail sans parler des gants blancs, symbole de pureté qui m'ont étés remis lors de mon initiation et qui depuis recouvrent mes mains durant nos Travaux en Loge, la main du Franc-maçon devant restée pure de tout acte blâmable à l'image de sa conscience qui doit être pure de tous sentiments vils.

On peut aussi les considérer comme un élément servant à transformer le magnétisme émanant de nos mains afin de le rendre bénéfique, de le diriger, de le contenir ; ce qui entraîne une sensation d'apaisement, de sérénité. La puissance assagit, agit avec plus d'efficacité lorsque la main se met au Signe d'Ordre.

 

Puis à la fin de nos Travaux, nous nous déganterons,...et... c'est les mains nues, étroitement enlacées sur la poitrine, les pieds en équerre touchant les pieds de nos voisins ; la main droite émettrice qui donne à la main gauche réceptrice qui reçoit et qui contribue à faire circuler de l'un à l'autre ce courant magnétique, ce fluide, cette présence affective, ces vibrations qui font de notre Chaîne d'Union, le symbole de notre Union Fraternelle.

Ainsi unis, réconfortés, ressourcés dans le Temple, nous pourrons par notre Travail personnel nous servir de nos mains dans le Monde profane afin de continuer à bâtir cette Fraternité qui a sa source en et dans chacun de nous.

Mais avant de sortir, nous jurerons, comme lorsque nous avons prêté serment sur les Trois Grandes Lumières lors de notre Initiation, puis lors de notre passage au Grade de Compagnon, de ne jamais révéler nos Mystères, sous peine de m'arracher le cœur de la poitrine, et de le jeter aux rapaces de l'air", comme le symbolise notre Signe Pénal.

 

Voilà Vénérable Maître et vous tous mes Frères, je vais terminer ma planche.

 

Bien sûr, j'ai certainement oublié de parler de certains symboles concernant la main, mais le sujet est tellement vaste et j'ai encore tellement de choses à apprendre, à découvrir...

Donc, avant de poser ma main droite en griffe sur le cœur, en signe de Fidélité et d'engagement d'aimer mes Frères, de lever ma main gauche, paume en avant pour capter les énergies extérieures, doigts réunis, pouce formant équerre par rapport à l'index en

Signe de Salutation, et de vous ré affirmer de ma Sincérité, je terminerai par cet extrait des " Odes de Salomon " :

 

" Alors j'étendis mes mains, pour l'élévation de mon âme ".

 

Jean Paul Gos:.



24/10/2007
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