Franchir la Porte du Temple, pourquoi ? (27.03.6024)
La question à laquelle j’aimerais que nous réfléchissions ensemble ce soir est celle-ci :
« Franchir la Porte du Temple, pourquoi? »
Je pense que pas un seul d’entre nous, après des années de pratique, n’a échappé à cette question.
Qui ne s’est pas demandé un jour ou l’autre quelle mouche avait bien pu le piquer ?
À cette question donc, certains rituels ont naturellement donné une réponse :
Au REAA le rituel dit de 1802, la réponse est celle-ci :
« Vaincre nos passions, soumettre notre volonté et faire de nouveaux progrès en Franc-Maçonnerie »
Réponse très insuffisante à mes yeux. En effet, le terme « soumettre notre volonté » prête à caution. J’y reviendrai.
Mais cette réponse peut varier.
Ainsi dans le rituel pratiqué à la Grande Loge de France c’est :
« Chercher la Lumière ».
Mais là encore quelle lumière ?
Le R.E.R. de Willermoz, fait l’économie de la question, ce qui n’appelle naturellement aucune réponse.
Mais qu’il y ait une réponse rituelle ou non ne change pas le problème. La question nous est posée :
« Franchir la Porte du Temple, pourquoi? ».
Elle ouvre en effet à qui se la pose un large champ de réflexion, car chaque réponse n’est jamais définitive puisqu’elle induit la réflexion personnelle de celui qui décide d’y réfléchir et de se la poser.
Lorsque je me suis décidé, à « franchir la porte du Temple », il y a presque 29 ans, je ne me la suis pas posée cette question, d’ailleurs ni d’autres questions.
Ce fut tout d’abord le VM de l’atelier de mon père, qui me le proposa mais ne voulant pas être en loge avec lui, travaillant déjà toute la journée dans les mêmes bureaux, je voulus m’octroyer un lieu de liberté. Puis ce fut un frère de cette loge, J:. P:., qui me parraina et que je remercie encore, bien qu’il quitta la loge quelques jours après mon initiation.
Puis le temps passant, je me suis laissé dériver tranquillement dans le courant de l’expérience que je vivais, prenant conscience peu à peu d’une lente transformation de moi-même à laquelle participaient les hommes avec lesquels je travaillais, mais cela sans vraiment me poser de questions.
Et puis j’ai procédé à un retour en arrière.
J’ai alors tenté d’analyser le plus objectivement possible ce qui avait pu, à un moment donné de ma vie, me conduire à prendre cette décision et, qu’alors, s’est révélée à moi, progressivement, à la suite de longues réflexions, un peu comme le ferait le négatif d’une photographie dans un bain d’acide, une évidence.
« Je n’en savais toujours rien ! »
Il y a déjà quelques années notre Frère Adam tourmenté par la perte du Paradis pouvait déjà s’interroger sur le sens de sa vie comme nous le faisons encore aujourd’hui.
L’Homme en effet, ne s’est jamais contenter de satisfaire uniquement ses besoins physiques, mais muni de cette petite supériorité qu’est l’Esprit, il aspire à connaitre la Vérité dans son universalité et non dans son apparence éphémère.
Il ne cesse de s’interroger sur sa place dans l’Univers et sur le rôle qu’il doit y jouer. C’est ainsi que jaillit la fameuse question :
« D’où venons-nous, qui sommes-nous et où allons-nous ? »
Notre F :. Pierre Dac aurais répondu :
« Je viens de chez-moi, je suis moi et j’y retourne »
A Pompéi, sous la lave, les archéologues mirent à jour des mosaïques sur lesquelles figuraient le niveau des constructeurs et une tête de mort : Deux forts symboles maçonniques qui interpellent l’homme sur l’égalité de tous devant la mort.
La Mort sans la Vie ne saurait exister, la Femme sans l’Homme, le Noir sans le Blanc. Constamment, nous nous confrontons à des formes et à des forces antagonistes et ce n’est que dans l’harmonie que pourra naître l’Equilibre. Il n’y a pas de jour sans nuit et si l’ombre existe c’est parce qu’existe la Lumière. Cette Lumière que seul le cœur peut voir dans les ténèbres.
Notre vie et notre mort ne sont qu’un seul et même évènement, intensément important pour nous, mais, sans grand intérêt pour l’histoire de l’humanité.
La Franc-Maçonnerie dont les membres ont fait vœu et s’obligent par serment à vivres sous certaines règles est un Ordre héritier de l’Egypte ancienne, des Templiers, des Constructeurs de Cathédrales. Cet Ordre est secret puisque la démarche maçonnique est « invisible pour les yeux », tout comme l’Essentiel l’est pour Saint Exupéry.
Profane, nous nous sentions perdus, sans axe, spectateurs fascinés par nous-mêmes. Les références que nous nous étions fabriquées ne donnaient pas à nos actions un gout d’harmonie universelle.
Au lieu d’écouter ce qu’il y a en nous lorsque nous nous posons des questions, nous recherchons dans notre mémoire des réponses toutes faites. Non seulement nous avons des idées sur tout, mais nous en avons sur nous-même. Que sommes nous au fond, au cœur de nous-mêmes?
Dans le monde profane, notre désir d’évolution consiste malheureusement à ajouter ce qui nous manque à ce que nous croyons posséder sans jamais envisager une modification de nos points de vue. Et si pour une fois nous prenions conscience une fois pour toute que nous ne possédons rien, ni personne ! A force de vouloir ressembler à l’image que nous voulons donner, nous avons perdu le contact avec notre être profond.
Si un jour nous nous sommes interrogé sur le sens de notre vie, sur notre capacité à réaliser ce que nous imaginions devenir, alors nous nous sommes mis sur le chemin de la démarche maçonnique et donc de la connaissance.
Avant de se perfectionner, il faut se connaitre, faire l’inventaire des outils que nous aurons à utiliser.
Quand le franc-maçon parle de transformation, son initiation ne tourne pas autour du moi. La réelle transformation est que l’égo disparait et qu’une conscience d’appartenir à un autre monde bouleverse notre façon intérieure de comprendre et de penser.
Quand le désir de s’améliorer prend suffisamment d’importance dans notre cœur, une première porte s’ouvre et transforme l’ordinaire en prise de conscience. Cette porte ne peut s’ouvrir que grâce au Travail sur soi-même et au Travail fait en commun. C’est le Maitre maçon qui va guider l’Apprenti et le Compagnon. En même temps, ce Maitre maçon va recevoir de l’Apprenti et du Compagnon d’autres éclairages qui vont aussi l’aider à s’améliorer.
Il existe en Loge une interaction permanente, un échange et parfois des désaccords et c’est en alliant ces contraires apparents que peut jaillir la Vérité car la Franc-Maçonnerie n’est pas une école de pensées mais c’est une école à penser.
La maçonnerie ne diffuse aucune croyance et ne façonne pas les esprits, elle aide chacun à trouver sa propre voie, c’est-à-dire qu’en s’améliorant on pourra peut- être changer le monde en y apportant notre propre pierre.
Changer le monde, vaste programme ! Nous sommes tous responsables de nos attitudes, de nos comportements qui transforment non seulement ce qui nous entoure mais en même temps, le jardin secret enfouie au fond de chacun d’entre nous.
C’est toute cette soif qui nous pousse à déserter quelques heures par mois le monde profane afin de le rejoindre plus tard, une fois que nous nous sommes enrichis de ce que nous avons découvert, dans notre temple, dans nos temples en général.
Si l’espace devient sacré, si le temple le devient aussi, c’est que nos Tenues sont comme une parenthèse, un moment suspendu hors de l’agitation du monde profane, hors du temps et de l’espace.
C’est dans le silence de son Atelier que le sculpteur va créer l’harmonie de sa statue à partir du chaos de sa pierre brute. C’est dans le silence de son laboratoire que l’Alchimiste va transformer le vil plomb en or.
Nous ne nous cachons pas dans nos Temples, nous nous mettons à l’abri, afin de pouvoir, avec les Frères qui participent, faire notre bilan en toute humilité et essayer de reconstruire un Temple érigé à partir de pierres taillées qui pourront s’insérer dans l’ensemble de la construction.
Si l’humilité nous guide sur la voie de notre quête, elle s’allie à la confiance que nous témoignent nos Frères au respect de soi et des autres et surtout à l’Amour que nous nous portons. Respect de la culture, de l’origine, des croyances, respect de l’écoute et de l’attention. Tolérer chez l’autre des manières de penser ou d’agir, des sentiments différents des nôtres, nous éclairera sur la relativité de nos propres croyances, la relativité de nos jugements, la prise de conscience de nos ignorances, préjugés, superstitions.
Mais la Tolérance, ce n’est pas de tout accepter. Si nous recevons dans nos Temples tous ceux, quelles que soient leur religion, opinion politique qui souhaitent pratiquer la Fraternité, nous rejetons tous extrémistes et intégristes qui par définition pensent mordicus, détenir la vérité et ne peuvent donc que vouloir convertir leur prochain.
Eveiller n’est pas imposer !
Notre exigence de franc-maçon, nous oblige à voir dans cette Tolérance une action : action sur nous-mêmes pour accepter l’autre et devoir de s’ouvrir à lui afin que nous devenions un des maillons de la longue chaine humaine qui relie le passé et l’avenir.
Ne faisons nous pas tous partie d’un grand tout ?
N’essayons nous pas, nous francs-maçons, de rassembler ce qui est épars, de réunir les hommes et de trouver qui nous sommes?
Le but n’est-il pas le travail incessant sur soi-même. Le but est notre volonté à travailler sans songer à quelque récompense que ce soit. Notre travail maçonnique tente de faire reculer des frontières que nous croyions à jamais figées en nous-mêmes, notre travail maçonnique va lancer des ponts afin que nous puissions tendre la main à celui qui sera prêt à la saisir.
Si dans le monde profane il existe ce merveilleux et sentimental élan qu’est l’amitié, il existe en Franc-Maçonnerie, le Devoir de Fraternité car nous nous sommes engagés solennellement, mes Très Chers Frères à aimer une partie de nous-mêmes qui est simplement l’Autre. La méthode Maçonnique nous donne par son langage symbolique les outils que nous devons apprendre à manier afin que règne la Fraternité et l’Amour parmi les Hommes.
Notre responsabilité, j’irai même jusqu’à dire notre mission, à nous autres francs-maçons, est de participer à la construction d’un monde qui ne serait pas une utopie, mais une réalité concrète, celle d’une Société à laquelle nous offririons les valeurs dont nous nous sommes imprégnés pendant toute une vie et qui nous ont été transmises par nos anciens.
« Nos loges sont des laboratoires dans lesquels nous fabriquons des hommes ».
Je vous ai dit ceci parce que je le pense très sincèrement. Je m’adresse ici naturellement aux apprentis, aux compagnons mais aussi aux Maîtres Maçons qui au dedans d’eux-mêmes peuvent se poser cette question.
En tous cas voici ma réponse à la question :
« Franchir la Porte du Temple, pourquoi ?».
Et vous quelle est votre réponse à cette question??
JP:.G:.
27.03.6024